Samedi 8 juin, Ahmed Ouyahia, chef de cabinet d'Abdelaziz Bouteflika et ministre d'Etat, déclare que les migrants sont "sources de crimes, de drogues et de plusieurs autres fléaux". L'écho de ces paroles nauséabondes n'a-t-il pas fini de résonner à l'oreille des Subsahariens que Abdelkader Messahel, chef de la diplomatie algérienne, en rajoute une couche. Il affirme, avec une insolence méprisante qui n'a rien à envier à celle d'un membre du Ku Klux Klan, que l'Algérie "n'a de leçons à recevoir de personne" et appelle à la prise de "mesures urgentes" contre l'immigration des Subsahariens.
Au-delà des dérapages au sein du gouvernement, les déclarations récentes de Ouyahia et de Messahel sonnent comme un message que veut envoyer le cabinet de Bouteflika aux pays qui ne cessent de le mettre à l'écart. Parce qu'au cours des dernières semaines, à plusieurs reprises, la diplomatie algérienne et, avec elle, la présidence, ont été humiliées par leurs partenaires subsahariens et européens. Cela a été le cas avec la création de la force du G5 Sahel, pour laquelle l'Algérie a été mise à l'écart. Alger n'a pas été invitée à Bamako dimanche 2 juillet où il y avait les chefs d'Etat des 5 pays du Sahel ainsi que leur homologue français.
Lire aussi : Sahel: la communauté internationale ne tolère plus le double jeu de l’Algérie
De même, deux jours plus tard, ce sont les ministres de l'Intérieur du Maroc, de l'Espagne, du Portugal qui se réunissaient en Espagne avec l'Ambassadeur de France à Madrid sur le sujet de l'immigration, du terrorisme et par ricochet du Sahel. Pourtant, l'Algérie, qui a le plus de frontières avec le Sahel que n'importe quel autre pays de la Méditerranée, est encore une fois exclue.
Enfin, d'autres événements non moins lourds de conséquences diplomatiques sont arrivés récemment au niveau du continent. Il y a notamment le changement de ton de l'Union africaine qui préfère se ranger derrière les Nations Unies pour la résolution du différend sur le Sahara. Cela n'arrange pas les affaires d'Alger, des rebelles de Tindouf d'entendre Moussa Faki Mahamat, le nouveau président de la Commission de l'Union africaine, dire clairement que "nous sommes prêts à travailler" avec le "nouvel envoyé d'Antonio Guterres", en l'occurrence Horst Köhler. De plus, lors du Sommet d'Addis Abeba, le Maroc a obtenu que dans les textes des résolutions du Conseil sécurité et paix, l'Union africaine ne parle plus de territoires occupés.
Lire aussi : Terrorisme: pourquoi l'Algérie ne facilitera la tâche ni à Macron ni au G5 Sahel
A cela s'ajoute le fait que les pays de la CEDEAO aient donné leur accord de principe pour accueillir le Maroc comme 16e membre. C'est un sujet sur lequel les autorités algériennes ne se sont pas prononcées et elles ne peuvent pas le faire puisque ce serait aller à contresens de l'Union africaine qui exige que soit finalisée la zone de libre-échange continentale à l'horizon 2021. Néanmoins, les succès diplomatiques du Maroc sur le continent ont le don d'irriter son voisin de l'Est.
Au-dela de cette logique de vengeance vis-à-vis des Subsahariens, cette attitude des plus hautes autorités algériennes appelle quelques constats. D'une part, ces propos populistes de Ouyahia et Messahel, et avant eux Farouk Ksentini, démontrent que les proches de Bouteflika n'ont aucune gêne à afficher leur dédain envers les Subsahariens. D'autre part, quand des ministres de rang régalien parlent de migrants subsahariens dans un langage de charretier, c'est qu'ils n'ont aucune considération pour les pays dont ressortissent ces derniers.
En tout cas, cette attitude rageuse du chef de cabinet de Bouteflika et du ministre des Affaires étrangères montre une nouvelle fois qu'Alger, en tant que garant de l'accord de paix sur le Nord-Mali, ne facilitera pas la tâche à Bamako.