Alors qu’Air Algérie tente de minimiser "l'incompétence" de ses pilotes, Le360 a voulu en savoir davantage sur le scénario qui a mené à l'intervention des Mirage français pour intercepter un vol cargo de la compagnie. "Le décollage d’avions de chasse pour intercepter un vol commercial n’est jamais un acte anodin. Si l’on en est arrivé là, c’est qu’une série de tentatives pour entrer en communication avec l’appareil ont été effectuées", prévient B.S., pilote d'une grande compagnie aérienne. Pire, "si l’appareil avait continué à se murer dans le silence et s'il avait manifesté une certaine hostilité après son interception, il aurait pu être abattu, en dernier recours, pour sauver des vies au sol ou des cibles stratégiques", explique la même source.
Selon lui, «avant d’en arriver au décollage des Mirage, plusieurs étapes ont été franchies sans que les pilotes ne réagissent, ce qui a mené à cette mesure exceptionnelle". En effet, tous les avions entretiennent des communications avec le contrôle aérien dès qu’ils pénètrent dans son espace. Cette communication se fait en mode VHF, qui est le mode normal d’échanges, quand tout fonctionne correctement", précise-t-il.
En l’absence de réponse sur le mode VHF, il est possible de passer à tout moment au mode HF, qui autorise une communication sur de très longues distances, explique le pilote. Outre le mode HF, le contrôle aérien français a également contacté les avions qui sont dans la même zone que l’appareil d’Air Algérie. "Il s’agit de communication relais, puisque les appareils en vol peuvent être en contact les uns avec les autres dans des fréquences permettant les échanges sur de courtes distances", note notre pilote. Mais à ce niveau, l’appareil d’Air Algérie n’a probablement pas répondu.
Avant d’en arriver au décollage des Mirage, on utilise aussi une fréquence de détresse sur 121.5 Mhz. Cette fréquence reste libre pour permettre aux aéronefs d'y avoir recours dans les cas extrêmes. Et la tour de contrôle l'a sans doute utilisée sans succès, d’après l’analyse qu’en fait ce pilote.
A la question de savoir si l’avion d’Air Algérie aurait pu être abattu en vol, B.S. répond que c'est une ultime éventualité. Dans l’histoire de l’aérien mondial, ce scénario ne s'est réalisé que dans des cas extrêmement rares, peut-être une fois ou deux. Le cas le plus emblématique est celui du vol 007 Korean Airlines de 1983 qui a été abuttu par un Sukoï de l’armée russe après qu’il se soit aventuré dans un espace aérien soviétique interdit. Il y avait 269 passagers et membres d’équipages à bord, mais l’armée russe n’avait pas fait dans le détail. D’autres cas ont été recensés, mais il s’agit surtout d’interceptions pour des raisons militaires.
L’abattage d’un avion, explique le pilote, n’intervient que quand il est prouvé que l’appareil risque de s’écraser sur certaines cibles stratégiques comme des espaces protégés à l’exemple des palais de chef d’Etat, les espaces dangereux comme les centrales nucléaires ou encore les espaces prohibés comme les camps militaires.
Néanmoins, les pilotes des avions de chasse tentent d’abord d'établir une communication visuelle quand ils sont proches des avions concernés. Ils feront alors "battre les ailes de leur avion et l’appareil suspect devra répondre par la même manœuvre", explique B.S. Si après cela, aucune réponse n’est obtenue: "La décision de l’abattre a beau être lourde, ils la prendront pour sauver des vies", conclut-il.