En Algérie, on est jamais à l'abri d'une réformette a priori anodine, mais qui risque fort de mettre à mal les intérêts des investisseurs étrangers. C'est ce que disent de concert des diplomates américains et français dans des rapports différents. Les uns et les autres dénoncent l'instabilité d'un arsenal du droit des affaires suranné et sans cesse retouché au gré d'une politique économique qui manque de vision et de cohérence.
En milieu de semaine dernière, le jeudi 12 octobre dernier, le chef de la diplomatie américaine a dénoncé "les restrictions à l'importation, les lourdeurs bureacratiques et les difficultés de transfert de devises". Selon John Desrocher, les règles changent tout le temps et exposent les investisseurs à des risques imprévisibles.
Le lendemain, Jean-Louis Levet, responsable français à la coopération technologique et industrielle à Alger, lui a emboîté le pas. Selon lui, pour faire des affaires en Algérie, il faut non seulement affronter les tracasseries admnistratives, mais aussi, et surtout, se préparer à plus grave encore. Car la réglementation algérienne du Commerce et de l'industrie est "mouvante".
En matière de tracasseries administratives, l'affaire du groupe Cevital est à cet égard un bien triste exemple. En effet, depuis plusieurs mois, ce groupe, qui appartient au milliardaire algérien Issad Rebrab, cherche à importer du matériet de trituration pour une huilerie. La réception des machines lui est catégoriquement refusée par les autorités portuaires, sans qu'un motif valable ne lui soit communiqué.
Lire aussi : Algérie. Silence de Messahel sur le Doing Business 2018
Ainsi, le constat est unanime: l'Algérie change en permanence les règles du jeu, en pleine partie. Ce qui fait que ses partenaires économiques sont traités comme des adversaires dont les intérêts ne comptent guère. C'est le cas notamment du tâtonnement du gouvernement lors de la tentative d'encadrement des importations pour faire face à la pénurie de devises. On est passé d'un système de quotas à une taxation à des taux prohibitifs, en passant à l'établissement d'une longue liste de 801 produits interdits à l'importation. Trois mesures différentes en quelques mois, qui n'ont fait que désorienter les investisseurs nationaux comme étrangers.
De même, concernant l'industrie automobile, les entreprises ne savent plus sur quel pied danser. Tantôt c'est le taux réduit de la TVA grevant les voitures produites locales, puis c'est l'exonération des taxes pour favoriser le montage local, ou encore, la réinstauration des impôts qui viennent fausser complètement les prévisions des business plan des investisseurs.
Lire aussi : Doing Business 2017: analyse du Top 5 africain et classement des 53 pays
L'Algérie, qui devrait être un Eldorado compte tenu de ses atouts énergétiques, présente finalement un risque-pays tellement important que tous les investisseurs, hors pétrole, lui préfèrent l'Egypte, le Maroc, la Tunisie et bien sûr la Turquie. Ainsi, là où, le pays se prévaut d'un stock d'investissement étranger de 40 milliards de dollars, l'Egypte est en mesure d'en brandir le double et le Maroc, 10 milliards de dollars de plus. Dans ce domaine, l'Algérie devance à peine la Tunisie, qui en est à 35 milliards de dollars d'investissements directs étrangers.
Pour favoriser l'arrivée massive de capitaux, l'Algérie doit absolument travailler sur une réforme en profondeur de sa fiscalité, mais aussi de sa législation bancaire, de son code de commerce et enfin de ses régles administratives. Ainsi, tant que subistera la règle dite des 51/49% qui veut que les entreprises soient détenues majoritairement par des intérêts algériens, peu de multinationales étrangères s'aventureront en Algérie.