Le régime algérien constate les dégâts économiques de la purge post-Bouteflika

Abdelmadjib Tebboune, président algérien et Saïd Chengriha, chef d'état-major de l'armée algérienne.

Abdelmadjib Tebboune, président algérien et Saïd Chengriha, chef d'état-major de l'armée algérienne.. DR

Le 31/08/2021 à 14h15, mis à jour le 31/08/2021 à 14h18

Dans une note adressée aux walis, le ministre algérien de l'Intérieur reconnaît que la machine économique algérienne a été grippée par la purge de l'après-Bouteflika qui a induit une certaine frilosité des fonctionnaires face aux dossiers d'investissement.

A ce jour 18 ministres et plus d'une trentaine de généraux algériens ont été emprisonnés dont certains sont même morts en prison. Ces hauts responsables ont souvent entraîné dans leur chute des fonctionnaires, victimes collatérales de la guerre sans merci qu'ont livrée les tout nouveaux maîtres du pays contre leurs anciens complices de l'ère Bouteflika.

Cette situation est à l'origine d'une frilosité de la part des agents de l'administration qui craignent désormais de se retrouver en prison pour les actes administratifs les plus bénins. En conséquence, les investissements sont bloqués sur l'ensemble du territoire. Voilà, en somme, ce que semble reconnaître le ministre algérien de l'Intérieur par le biais de cette note datant du 28 août 2021 et lue par le site d'information Algérie Part.

Le ministère de l'Intérieur reconnaît donc, de façon inédite, que " l’investissement productif est totalement paralysé en Algérie à cause de l’impact négatif des dérives judiciaires sur l’appareil administratif de l’Etat" et qu'on a assisté à une "détérioration du climat des affaires", écrit le média en ligne.

En réalité, écrit Algérie Part, plusieurs projets d'investissements ont été purement et simplement gelés "à cause de l’attitude irrationnelle de l’administration algérienne dont les principaux responsables refusent de signer le moindre document ou d’accorder la moindre facilitation à des investisseurs privés pour ne pas se retrouver dans le collimateur de la justice algérienne et des services de sécurité qui traquent les commis de l’Etat accusés de dilapidation des deniers publics".

Ce qu'admet implicitement le ministère algérien de l'Intérieur est que la traque contre les actes de corruption a été à l'origine de réelles dérives qui ont fait que d'innocents pères de famille, n'ayant pourtant pas profité d'enrichissement illicite, se sont retrouvés en prison du jour au lendemain, poussant ainsi leur pairs à ne plus prendre aucun risque.

L'"excès de zèle des juges algériens et des services de sécurité a provoqué la paralysie de tout l’appareil administratif au niveau de toutes les wilayas, car les cadres de l’administration locales sont, désormais, réticents à signer les autorisations nécessaires de peur de poursuites judiciaires qui sont instrumentalisées pour donner l’impression que l’Etat lutte sérieusement contre la corruption", analyse la même source.

L'effet de la purge post-Bouteflika est connu depuis longtemps, mais la réalité est que les autorités algériennes préfèrent ne pas réellement agir. Elles préfèrent maintenir une épée de Damoclès au-dessus de la tête des hauts fonctionnaires qu'ils pourront mettre en prison à tout moment.

Au lieu d'une note, il aurait fallu, au préalable, dépénaliser les fautes liées aux actes de gestion administratifs, pour que les hauts fonctionnaires perçoivent la bonne foi dans la démarche. Car, c'est le 19 août 2020, soit il y a un an, que le président Tebboune avait émis le souhait de les dépénaliser "lors d’une rencontre sur la relance de l’économie. Mais depuis, rien n'a été fait. C'est dire qu'en se fiant seulement à cette simple note administrative, les agents de l'Etat algérien qui signeraient des autorisations le feraient à leurs risques et périls.

Par Djamel Boutebour
Le 31/08/2021 à 14h15, mis à jour le 31/08/2021 à 14h18