Gazoduc-Maroc-Nigeria: un ancien ministre algérien demande des comptes aux responsables du fiasco du transsaharien

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Le 23/05/2017 à 15h12, mis à jour le 23/05/2017 à 15h20

L’Algérie a du mal à avaler le projet de gazoduc Maroc-Nigéria. Estimant que le projet marocain enterre définitivement celui du transsaharien, un ancien ministre algérien de l’Intérieur demande que les responsables rendent des comptes, tout en déplorant la «léthargie mortelle» que traverse son pays.

Kiosque le360 Afrique: Décidemment, l’Algérie a du mal à avaler que le Maroc l’ait doublée en signant avec le Nigéria, le 15 mai courant à Rabat, un accord pour le lancement du projet d’un gazoduc offshore longeant la côte ouest-africaine, et reliant le Nigeria à l’Europe en passant par le Maroc. 

Cela d’autant plus que ce n’est pas le seul échec du pays dans sa politique africaine, au moment où le Maroc, après son retour au sein de l’Union africaine, affiche clairement ses ambitions continentales.

Ainsi, dans une longue contribution publiée par le site tsa-algérie.com, sous le titre «Projet de gazoduc maroco-nigérian: l’Algérie est-elle condamnée à regarder éternellement les trains passer?», Abderrahmane Meziane Chérif, ancien ministre de l’Intérieur et ex-ambassadeur, un homme au fait des arcanes de la politique algérienne, revient sur certains échecs des projets initiés par Alger.

Il faut dire que le gazoduc qui échappe à l’Algérie fait mal et ce d’autant qu’il n’est pas le seul échec de l’Algérie dans sa tentative de consolider ses relations avec l’Afrique subsahariennes.

Pour Meziane Chérif, «le projet, fruit d’une intense activité marocaine en Afrique, signe, à n’en pas douter, l’enterrement définitif du Trans Saharian Gas Project (TSGP)». Ce projet, qui date de 2002 et qui devait relier le Nigéria à l’Europe, via le Niger et l’Algérie sur une distance de 4.000 km, dont plus de la moitié sur le sol algérien (2.300 km), n’a pas pu voir le jour.

Pour éviter la réédition du fiasco algérien, le Maroc a, lui, mis en place tout un arsenal «impliquant le Fonds souverain nigérian et Ithmar, l’organisme d’investissement chérifien, ainsi que d’autres bailleurs internationaux, dont la Banque africaine de développement, et la question du financement semble avoir été résolue», fait remarquer le ministre.

Maziane Chérif, très au fait de la politique algérienne, rappelle aussi que le gazoduc n’est pas le seul échec de l’Algérie. Un autre ancien projet routier, la transaharienne, devant relier également l’Algérie au Nigeria via le Niger, sur une longueur de 4.800 km, piétine. Plus de 40 ans après l’annonce de ce projet au début des années 70, il est toujours en cours de réalisation.

«Devant ces échecs, on peut se poser légitimement la question de savoir pourquoi l’Algérie, pourtant pionnière en la matière et gros producteur de gaz, ne réussit pas à concrétiser les projets qu’elle initie», se demande le ministre.

Dans sa contribution, il interpelle le Premier ministre Abdelmalek Sellal afin d’«expliquer aux Algériens les raisons de l’abandon, plus que probable, du gazoduc transsaharien (TSGP), qui aurait mis le gaz du Nigeria et celui de Hassi R’Mel à portée de l’Europe, avec les retombées socioéconomiques considérables qui en auraient résulté pour le Niger, le Mali, et surtout pour le sud algérien et l’avenir du pays?».

Pour l’ancien responsable de l’Intérieur, l’explication sécuritaire avancée par certains responsables politiques et sécuritaires pour justifier l’abandon de ce projet est réductrice. Il faut aller au delà pour trouver les véritables raisons de l’échec algérien, selon Méziane Cherif. 

Soulignant que le projet du gazoduc Maroc-Nigéria rappelle les rivalités historiques entre l’Algérie et le Maroc, il explique que si jusqu’à présent celles-ci se matérialisaient uniquement sur le terrain politique, désormais elles touchent aussi le volet économique avec l’Afrique subsaharienne en toile de fond.

Et à ce titre, l’une des premières sources de l’échec algérien, selon l’ancien ministre, est sa diplomatie qui «n’est plus celle qui fit, naguère, de l’Algérie, un pays qui compte sur l’échiquier international».

Les chefs de la diplomatie algérienne, plus préoccupés par les attaques de leur voisin de l’ouest, ont oublié la consolidation de leurs relations avec le reste du continent, notamment au niveau économique où l’Algérie, contrairement au Maroc, est inexistante.

Toutefois, l’échec diplomatique algérien, face à la nouvelle dynamique de la diplomatie économique marocaine, n’expliquerait pas tout. La «Sonatrach, en tant que maître de l’ouvrage des projets évoqués porte, en premier lieu, la responsabilité de nos déconvenues», avance Méziane Chérif. Outre la corruption qui a gangrené cette institution, «force est de constater que l’instabilité chronique au sommet de la société nationale n’est pas de nature à favoriser ni la prospective, ni les grands desseins». Il faut dire que depuis 2014, la Sonatrach a vu défiler 4 dirigeants sans qu’aucun d’eux n’arrive à lui imprégner une stratégie claire!

Enfin, l’autre facteur fondamental à l’origine des couacs de l’Algérie reste la léthargie politique avec la centralisation de tous les pouvoirs au sommet de l’Etat. Une situation qui «est de nature à favoriser le népotisme, l’incompétence, l’immobilisme, l’inertie et l’indifférence générale à l’intérêt public», tonne l’ancien ministre de l’Intérieur, qui conclut : «il est temps de nous réveiller. Car notre léthargie est mortelle. L’Algérie, ce beau et grand pays, va-t-il rester éternellement sur le quai, à regarder passer les trains?».

Par Karim Zeidane
Le 23/05/2017 à 15h12, mis à jour le 23/05/2017 à 15h20