Bouteflika: Jeune Afrique fait l'autopsie d'un président valétudinaire

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Le 05/03/2018 à 19h33, mis à jour le 05/03/2018 à 19h35

Rien ne peut l'empêcher de briguer un cinquième mandat et, autour de lui, tout le clan y travaille. Son état maladif aurait pu s'y opposer, mais Bouteflika c'est du "Palais au cimetière", selon un de ses amis.

Très vite, le président algérien a montré son avidité pour le pouvoir. On est en 1958, dans l'Est algérien et Bouteflila qui se trouve en tournée avec Moustapha Berri, que l'histoire connaîtra sous le nom de Boumediène, rencontre deux officiers de l'armée de libération nationale algérienne. Au détour d'une question anodine, Bouteflika montre ses ambitions. "Que ferez-vous après la guerre, si l'on s'en sort vivant?". Là où les autres répondent qu'ils poursuivront leurs études ou une carrière dans l'administration, lui se rêve déjà "président de la république".

Plus d'un demi-siècle plus tard, Bouteflika, le président octogénaire et non moins "valétudinaire" veut autant rester président qu'il a souhaité l'être lors de ce dîner de 1958. Et à un plus plus d'une année des futures échéances électorales, son entourage semble mobilisé pour qu'il garde son poste, qui leur garantira de s'accrocher à leur maroquin.

Le premier qui a besoin de ce 5e mandat est Djamel Ould Abbès, secrétaire général du Front de libération nationale (FLN), explique Jeune Afrique. "Depuis des mois, il consacre son énergie et son temps à promouvoir l’idée que le chef de l’État se portera candidat à sa propre succession en 2019", explique l'hebdomadaire français, ajoutant que Ould Abbès "n'est pas le seul". Car le député, et non moins milliardaire, Baha Tliba, a annoncé la formation d'une "coordination nationale", comprenant d'anciens premiers ministres et autres caciques du régime pour soutrenir un autre mandat de Bouteflika.

Devant le tollé suscité par sa prise de position, certains noms qu'il avait annoncés se sont retirés, et lui-même Tliba a été rappelé à l'ordre. Il est formellement interdit de parler d'un cinquième mandat. Mais, il ne fait aucun doute que les clans au pouvoir ne ménageront aucun effort pour le maintien de Bouteflika au pouvoir. D'ailleurs, il serait plus juste de parler "d'un clan", au lieu de plusieurs. "Cette coterie hétéroclite englobe l’exécutif, la majorité parlementaire, une kyrielle de petits partis, le syndicat UGTA, les médias publics et une bonne partie des hommes d’affaires, qui n’hésiteront pas à soutenir financièrement une nouvelle campagne présidentielle, comme ce fut le cas lors des précédents scrutins", précise Jeune Afrique.

Si la maladie pouvait faire renoncer Bouteflika à un nouveau mandat, il n'aurait jamais été candidat à sa propre succession en 2014. Il n'était pas moins malade, jeune, un peu moins vieux en tout cas, et tout aussi impotent. Pourtant, il a insisté pour rempiler pour 5 ans de plus. Il ne faut donc pas s'attendre à ce que l'homme change un tant soit peu concernant 2019. Bouteflika a une conception surannée du pouvoir: une fois qu'on l'a, il faut le garder jusqu'à la tombe. "Il ne se reconnaît que dans la lignée de dirigeants comme Kadhafi, Moubarak, Saddam Hussein, Bourguiba ou encore Hafez al-Assad, qui ont pris le pouvoir pour l’exercer d’une façon pérenne", écrit l'hebdomadaire. Ce dernier cite Mohamed Cherif Messaadi, un ami du président algérien qui dit : "Bouteflika, c’est d’El-Mouradia à El-Alia [le cimetière d’Alger], sans escale".

En 1978, à la mort de Boumediène, Bouteflika se voyait déjà président. Malheureusement pour lui, les militaires s'en sont mêlés et l'ont écarté. Il se vautra dans un long exil dans les pays du Moyen-Orient, côtoyant émirs et princes, et apprenant d'eux les rudiments du métier de monarque. Alors, quand en 1999, il prend enfin le pouvoir, c'est pour ne plus le lâcher.

La Constitution de 2016 lui donne la possibilité de se présenter encore comme n'importe quel citoyen algérien, puisqu'il n'y a pas de limite d'âge et la loi n'étant pas rétroactive, la limitation des deux mandats commence à s'apliquer aux élections de 2019. A partir de 2010, il allait montrer une certaine lassitude du pouvoir, allant jusqu'à confier en 2013 son intention de préparer Abdelmalek Sellal pour lui succéder. Mais, en février 2013, coup de théâtre. Celui qui s'était montré dubitatif quelques jours auparavant va surprendre tout le monde. L'hebdomadaire croit savoir ce qui a mené à pareil retournement.

"Pressions de l’entourage familial, réticences de l’armée à confier le sort du pays à un homme qui ne fait pas consensus, influence du milieu des affaires, qui avait beaucoup à perdre en cas de départ du président, et, bien sûr, volonté de durer… Tous les facteurs du quatrième mandat étaient réunis", résume-t-il. Alors, il ne faut pas s'attendre à autre chose en 2019. Car, rien n'a vraiment changé depuis. Le clan est toujours là sans qu'il y ait consensus autour d'un dauphin probable. Et Bouteflika aime toujours autant le pouvoir qu'il veut monarchique.

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 05/03/2018 à 19h33, mis à jour le 05/03/2018 à 19h35