"Vous qui êtes entré dans la fonction de président par effraction, elle vous a donné un pouvoir immense, même celui de gracier les voleurs et les criminels. Demandez-leur de vous gracier à votre tour". Cette phrase qui conclut la vidéo de 3 minutes 34 postée par Layla Haddad sur les réseaux sociaux résume bien le contenu d'un appel qui commence à faire beaucoup de bruit en Algérie.
Ancienne correspondante de l'ENTV et de El Khalifa TV à Bruxelles, la journaliste algérienne s'en prend à Abdelaziz Bouteflika avec des mots crus sur un ton calme empreint de solennité. Elle a choisi le siège de l'Union européenne, mettant en exergue le drapeau bleu avec ses 28 étoiles, comme cadre de son adresse. Elle commence par le rappel flatteur du "discours mémorable" prononcé en 1974 par Bouteflika "devant l'Assemblée générale des Nations unies". C'était pour mieux lui asséner des vérités qui fâchent l'entourage de l'actuel chef de l'Etat dont la candidature à un cinquième mandat est présentée par les caciques du régime comme une évidence.
Elle enchaîne: "44 ans ont passé et vous voilà assis sur une chaise roulante, le regard hagard et la bouche béante. (...) Parler et comprendre sont devenus un exercice très difficile à mesure que votre maladie avance". "Vous qui enjambiez le Ouersonis, les Aurès, le Djurdjura et le Dira avec l'agilité du mouflon, vous n'êtes plus qu'un amas de chair immobile, exposé au monde, en dépit du mépris de toute une nation".
Ensuite, c'est là que commence son message en rappelant que "la dignité humaine ne se résume pas à une somme de droits. Elle consiste aussi à défendre l'humanité de l'homme contre l'homme lui-même et de tous ceux qui prétendent disposer de voter personne et de votre image". Car le but de tout cela est aussi d'adresser un message aux "barrons du régime dont fait partie Said Bouteflika", frère du chef de l'Etat algérien. "Si minimes soient vos moments de conscience, vous ne devez plus les laisser vous traiter comme un objet", explique-t-elle.
Ce message de Layla Haddad qui fera l'effet d'une bombe commence à être commenté par la presse algérienne qui y voit un peu la main des monarchies du Golfe. Car la journaliste fut un temps la chargée des relations avec l'Union européenne de certaines têtes couronnées. Mais ces insinuations n'occultent guère les vérités contenues dans son discours. On ne peut que lui donner raison quand elle rappelle que les apparatchiks algériens font de Bouteflika "une diversion, voire un divertissement" en l'exposant tel un objet aux yeux du monde entier. Ces jeux indignes d'une nation qui se respecte altèrent l'image de l'Algérie tout entière et ne servent l'intérêt que de quelques personnes.