C'est assez grave pour être souligné. Un leader politique a clairement demandé à l'armée de prendre le pouvoir et jusqu'à présent, le principal concerné n'a pas réagi.
Mi-juillet courant, Abderrezek Makri, le leader du parti islamiste algérien MSP, jette un pavé dans la mare, en appelant à une transition politique en Algérie pilotée par les militaires. Plus, concrètement, il demande au général de corps d'armée Gaïd Salah, vice-ministre de la Défense, de prendre le pouvoir pour "sortir de la crise qui secoue l'Algérie", en organisant une "transition démocratique". Dans ce contexte où les partisans de Bouteflika appellent à tout-va à un cinquième mandat, le message est clairement adressé aux clans qui s'accrochent à une gouvernance prébendière de l'Algérie. Cette demande est donc mûrement réfléchie.
Néanmoins, vu la gravité de la déclaration, la plupart des médias algériens se sont bien gardés de la commenter, exception faite de quelques supports qui ont voulu se montrer un brin sceptiques. Cette sortie qui a eu lieu le 14 juillet courant lors d'une conférence, refait surface pour une raison évidente. Le général Gaïd Salah qui cache mal ses visées présidentielles n'a toujours pas réagi, alors qu'il aurait eu tout le temps de le faire. Il maintient un silence assourdissant, alors qu'il ne s'était pas gêné pour faire des mises au point fussent-elles faussement sincères suite aux précédents appels de la Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique (CNLTD).
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En effet, juste après l'élection de Bouteflika pour un 4e mandat, alors que celui-ci était déjà considérablement diminué par son AVC, la CNLTD dont faisait partie Abderrezek Makri avait appelé l'armée à se poser en arbitre pour une transition politique. A l'époque, Gaid Salah n'était pas directement désigné. Il s'agissait d'un appel à la grande muette en tant qu'institution. Pourtant, celui qui fut déjà vice-ministre de la Défense était sorti pour dire : J’ai souligné plus d’une fois que l’ANP, digne héritière de l’Armée de libération nationale (ALN), demeurera garante de la sécurité du pays, préservatrice de son caractère républicain, attachée à ses missions constitutionnelles et guidée, en cela, par les instructions et les orientations de Son Excellence M. le président de la République, chef suprême des Forces armées, ministre de la Défense nationale, tout en veillant à se maintenir à l’écart de toute sensibilité ou tout calcul politique".
Plus tard, en 2016, l'éditorialiste de la revue Al Djeich de l'armée donnait l'opinion de la grande muette et de son chef d'Etat-major. "La cohésion entre l’Armée nationale populaire et le peuple algérien ainsi que la loyauté envers la Nation sont plus profondes et plus fortes pour être ébranlées par les vaines et désespérées tentatives visant à semer le trouble et la division", écrivait-il.
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Cette fois, c'est motus et bouche cousue. Pourquoi? D'aucuns affirment que c'est parce que Gaïd Salah s'impatiente de voir se concrétiser son rêve inavouable de devenir président de la République. Cet appel est donc une perche qui lui est tendue par un leader de parti d'opposition. Son silence est la preuve flagrante de son consentement, puisque la gravité de l'appel intuitu personae qui lui est lancé aurait dû le pousser à se prononcer immédiatement.
Par le passé, ses déclarations avaient trahi à plusieurs reprises ses velléités présidentielles. Il y a près d'un an, le 23 août 2017, il disait que l'armée "assure amplement ses missions constitutionnelles en dépit de la nature de toutes les circonstances". Des propos à replacer dans un contexte où tout le monde appelait, en Algérie, à l'application de l'article 102 de la Constitution pour destituer le président de la République. C'est également lui qui avait été le premier à sonner la charge lors du limogeage du général Toufik, alors puissant chef des services de renseignement. Autre fait plus récent, dans la vaste vague de limogeage, le général Gaïd Salh peut se réjouir que les personnes qui se sont opposées à lui soient écartées, alors que ses "amis" sont nommés, notamment à la tête de la police et de la Gendarmerie.
En tout cas, un général qui voudrait goûter aux délices des lambris dorés d'El Mouradia ne désapprouverait pas que des voix se lèvent pour lui apporter sinon une légalité, au moins une certaine légitimité.