Algérie: Bouteflika veut "limoger" le président du parlement, mais comment?

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Le 29/09/2018 à 09h49, mis à jour le 29/09/2018 à 09h50

Après avoir totalement décapité l'armée, mis hors d'état de nuire la police, la gendarmerie et les services de renseignement, l'entourage de Bouteflika s'attaque à présent au parlement, dont il pousse le président de la chambre basse à la démission. Mais ce dernier fait de la résistance.

Une guerre larvée est en train de secouer le sommet de l'Etat algérien, puisque l'entourage de Abdelaziz Bouteflika voudrait écarter Said Bouhadja, le président de l'Assemblée nationale populaire, mais ne sait pas comment s'y prendre. En effet, depuis quelque jours, les proches des instances dirigeantes Front de libération nationale (FLN), distillent dans la presse toutes sortes de rumeurs sur son départ.

Certains vont jusqu'à dire que Bouhadja aurait démissionné. Ces "on-dit", dont la gravité est claire, ont certainement obtenu l'assentiment de Djamel Ould Abbès, le secrétaire général du FLN, le parti présidentiel. Or ce dernier ne saurait avaliser de telles rumeurs si l'entourage immédiat de Bouteflika n'en avait pas décidé ainsi, comme un prolongement naturel de la vague de limogeages qui a touché des dizaines de généraux, de walis, mais aussi des procureurs, des juges, etc. 

Sauf que toutes ces personnes limogées sont nommées par le chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika, dont on sait qu'il n'a plus les capacités de décider de quoi que se soit. Ce n'est pas le cas du président de la chambre basse du parlement, qui, d'après la constitution algérienne est élu pour la durée de la législature (cinq ans). Techniquement, sa fonction prend fin en 2022, puisque son mandat a été renouvelé en mai 2017, à la suite des législatives qui avaient été marquées par d'inimaginables fraudes de la part du régime. En principe, le président de la chambre basse du parlement est élu par ses collègues députés. 

Néanmoins, au vu du fonctionnement concret de la démocratie algérienne, il ne fait aucun doute que le candidat au poste de président de l'Assemblée nationale populaire est désigné par la présidence de la république. Donc, l'entourage de Bouteflika estime l'avoir "nommé".

Sauf que cette vue de l'esprit des apparatchiks se heurte aux dispositions de la Constitution algérienne et à la résistance du principal concerné. Car ni Bouteflika, ni même ses collègues députés qui l'avaient élu ne peuvent légalement le démettre de ses fonctions. Et Said Bouhadja ne se prive pas de le dire à la presse, en affirmant haut et fort qu'il n'a "pas démissionné" et que toute procédure de destitution doit emprunter la "voie légale". 

Il y a donc problème. Il ne leur reste plus qu'à le pousser à la démission, ce qui est l'un des cas de vacance du poste prévu par les textes. Les autres possibilités sont encore plus improbables. Il s'agit de l'incompatibilité, de l'incapacité ou du décès. Qu'à cela ne tienne, Said Bouhadja est bien mieux portant que Abdelaziz Bouteflika lui-même. 

Il faut dire que vu l'état de Bouteflika et compte tenu du coup de force mené par la présidence contre les forces de sécurité et de défense, le Parlement est appelé à jouer un grand rôle dans l'avenir du pouvoir. En effet, aux termes de l'article 88 de la constitution, le Conseil Constitutionnel peut demander au "parlement de déclarer l'Etat d'empêchement".

Certes, l'intérim devra alors être assuré par le président de la Chambre haute, Abdelkader Bensalah, en tant que président du conseil de la nation. Mais cela n'enlève en rien l'importance du rôle que la chambre basse et son président sont appelés à jouer dans ce processus de destitution et de succession de Bouteflika. 

Par ce dangereux précédent, l'entourage de Bouteflika s'attaque à l'un des derniers remparts pour devenir le maître incontesté de l'Algérie, dont l'armée et l'appareil sécuritaire sont déjà mis en hors d'état de nuire et l'administration est entièrement sous contrôle. Il ne reste plus que le Parlement. Si les proches de Bouteflika viennent à bout de Saïd Bouhadja, Albdelkader Bensalah aussi pourra, lui aussi, faire ses valises. 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 29/09/2018 à 09h49, mis à jour le 29/09/2018 à 09h50