Cette attaque à Djibo, chef-lieu du nord du pays, région en proie à une guérilla jihadiste d'intensité croissante, est survenue quelques heures après l'arrivée à Ouagadougou du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. C'était la deuxième visite de M. Le Drian cette année, alors que la sécurité se dégrade. Le gouvernement semble impuissant face aux attaques répétées depuis le premier trimestre 2015. Ouagadougou, la capitale, a été frappée à trois reprises.
L'attaque de Djibo est "catastrophique", juge une source diplomatique française de haut rang. "C'est clair que le Burkina est devenu le souci principal", devant le Mali, parmi les pays du G5 Sahel, alliance qui regroupe ces deux pays ainsi que le Niger, la Mauritanie et le Tchad. Quelque 220 écoles sont fermées dans le nord du Burkina, et 40.000 personnes ont été déplacées dans la région, vers Djibo.
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Après le Nord, touché depuis 2015, c'est l'Est qui est maintenant frappé par des attaques jihadistes, menées notamment à l'aide d'engins explosifs artisanaux. Dans cette région frontalière du Niger, peu densément peuplée, qui abrite des parcs nationaux, les ONG recommandent à leurs employés de rester dans les villes, par peur des mines.
La série d'attaques de septembre n'a pas été revendiquée. Certains analystes y voient la main du groupe Ansarul Islam (basé dans le Nord), d'autres tiennent pour responsable le groupe Etat islamique au grand Sahara (EIGS), impliqué dans l'embuscade meurtrière contre des soldats américains au Niger en octobre 2017.
A la suite de cette flambée de violences, le Togo et le Bénin voisins ont commencé, selon une autre source diplomatique française, à envoyer des troupes vers leurs frontières nord. Des rencontres ministérielles entre le Burkina, le Niger, le Togo et le Bénin ont eu lieu à Ouagadougou la veille de la visite de M. Le Drian, pour parler stratégie et coopération contre la menace jihadiste.
Il ne peut rien faire
Le président burkinabè Roch Marc Christian Kabore apparaît dépassé, allant même jusqu'à accuser les "nostalgiques" de l'ancien régime de Blaise Compaoré qui voudraient déstabiliser son gouvernement. "Ce n'est pas une thèse qu'on considère crédible", juge un haut responsable français. M. Kaboré n'a pas accompagné M. Le Drian au point presse qui a suivi leur rencontre. Certains y ont vu la crainte d'avoir à répondre à des questions sur la gestion de la crise.
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"La population a peur," juge un journaliste burkinabè sous couvert de l'anonymat, pour lequel le silence de Kaboré est "un aveu de faiblesse". Kaboré "ne peut rien faire, il n'a pas les moyens!", estime la source diplomatique française de haut rang.
"On va voir ce qu'ils vont faire, ce qu'ils vont nous demander", confie cette source, alors que le président Kaboré doit se rendre en France en décembre. Début octobre, le Burkina a réclamé, pour la première fois, l'appui de la force militaire française Barkhane, dédiée à la lutte antijihadiste au Sahel, pour des frappes aériennes. Un changement notable, alors que pendant des années le Burkina refusait le soutien de l'ancienne puissance coloniale.
Jean-Yves Le Drian a d'ailleurs réitéré à Ouagadougou la disponibilité de la France "à aider à la sécurisation" du pays. Mais le régime Kaboré a fort à faire pour améliorer le niveau de l'armée burkinabè, purgée après le renversement de Blaise Compaoré en 2014, puis après la tentative de putsch de 2015.
Ce coup d'Etat raté a entraîné la dissolution du Régiment de sécurité présidentiel, garde prétorienne de l'ex-président mais aussi véritable service de renseignement et unité d'élite de l'armée.
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Dans un pays qui a subi de nombreux coups militaires depuis son indépendance, on hésite à redonner trop de pouvoir à l'armée. Pour lutter contre le terrorisme aussi sur le plan socio-économique, M. Le Drian a annoncé durant son séjour une aide de 30 millions d'euros pour le projet de développement "Trois frontières" (Burkina, Mali, Niger).
La pauvreté demeure endémique au Burkina, dont la moitié des 20 millions d'habitants a moins de 17 ans. Les ONG "ont de plus en plus des difficultés" même pour faire des choses simples comme creuser des puits, en raison des risques sécuritaires, selon une source diplomatique, renforçant le sentiment au sein de la population des régions frontalières qu'elle est abandonnée par le pouvoir central de Ouagadougou.