Pendant quatre-vingt dix longues minutes, au sein même de la prison de haute sécurité du sud du Caire, Hosni Moubarak, 90 ans, a enchaîné les accusations contre Mohamed Morsi, l'ex-président islamiste, élu après la révolution de 2011, issu des Frères musulmans.
Vêtu d'un costume sombre, s'appuyant sur une canne, Moubarak était sous la bonne escorte de ses deux fils. Quant à Mohamed Morsi, il était dans sa combinaison de prison, assis dans une cage en verre dotée d'une grille métallique, de même que d'autres de ses co-accusés appartenant eux aussi à la confrérie islamiste des Frères musulamans.
Des membres de leur famille, une trentaine, essentiellement des femmes, sont venus les soutenir, pancartes à la main et criant des slogans appelant à les libérer.
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Cette audience concerne un nouveau procès, dans lequel plusieurs personnes sont accusées d'avoir été les complices dans l'évasion de leur cellule de frères musulmans détenus, ainsi que d'avoir organisé l'entrée en Egypte de plusieurs combattants étrangers, en février 2011, juste après le déclenchement de la révolution en Egypte.
Concernant cette grande évasion, ceux qui en ont profité ne sont autres que Mohamed Morsi et des dirigeants de la confrérie, deux jours après leur arrestation, alors que les forces de sécurité du régime de Hosni Moubarak tentaient d'empêcher ou de réprimer les manifestations.
Au même moment, les autorités avaient rendu le réseau Internet inopérant, condamant de fait la circulation d'informations sur les réseaux sociaux par téléphonie mobile, et entravant la communication entre les manifestants et le monde extérieur.
Moubarak, visiblement affaibli par le poids de l'âge, était assis sur une chaise à la barre des témoins. Il a répondu, alerte malgré sa fatigue visible, à des dizaines de questions posées par le juge sur l'évolution de l'état sécuritaire dans le pays à cette époque, alors que le soulèvement s'accentuait contre son régime, qui a duré 30 ans et qu'il a mené d'une main de fer.
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Moubarak affirme que 800 militants étrangers pro-frères musulmans sont illégalement entrés en Egypte. Parlant d’une voix devenant de plus en plus grave, il s'est par moments montré impatient, affirmant qu’il ne possédait aucune information ni aucun détail lorsque les questions du juge se faisaient précises.
Interrogé sur des allégations d'infiltration de militants étrangers, il a déclaré que son responsable des renseignements généraux lui avait annoncé, le 29 janvier 2011, que des centaines de personnes franchissaient la frontière égyptienne depuis la bande de Gaza pour soutenir Mohamed Morsi et ses partisans issus des Frères musulmans.
Mais il a refusé de répondre aux questions sur le rôle des groupes militants, afin, a-t-il dit, de ne pas divulguer des secrets d'État sans autorisation.
"Je veux la permission de parler de cela, je demande la permission afin de ne pas contrevenir à la loi", a ainsi déclaré Hosni Moubarak.
L'ex-président égyptien a été lui-même emprisonné durant six années suite à la révolution. Il avait été condamné à une peine d'emprisonnement à perpétuité, pour avoir conspiré en vue de tuer des manifestants de la place Tahrir, lieu de la révolution égyptienne, au Caire. L'ex-homme fort a été blanchi par la justice en 2017, ce qui lui a permis d'être libéré.
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Mohamed Morsi a été quant à lui le premier président égyptien à être démocratiquement élu. Il se trouve aujourd'hui en prison, depuis qu'il a été renversé en 2013 par Abdel Fattah al-Sisi, alors chef des forces armées et actuel président égyptien.
Après la chute de Morsi, l’Égypte a réprimé la confrérie des Frères musulmans, le mouvement islamiste le plus ancien et le plus organisé du monde musulman, en envoyant des milliers de ses partisans en prison et en qualifiant ce groupe d’organisation terroriste.
Actuellement, les Frères musulmans disent être engagés dans un activisme pacifique. Alors que Morsi, désormais deriière les barreaux, purge une peine de 45 ans de prison ferme, après avoir été condamné dans plusieurs affaires d'espionnage pour le compte du Qatar et pour le meurtre de manifestants en 2012.
Il avait d'abord été condamné à mort et à perpétuité dans une affaire d'espionnage au bénéfice du groupe islamiste palestinien Hamas, mais ces verdicts avaient été infirmés par la Cour suprême
Pour les proches de ces deux importants accusés dans ce nouveau procès, il est inutile d'espérer que la justice soit rendue au profit de Morsi et de ses co-accusés.
"Le tribunal est ridicule et l'affaire est ridicule", a ainsi conclu très lapidairement l'un d'entre eux, sous couvert d'anonymat.
Mohamed Morsi, qui portait une combinaison blanche de prisonnier, a refusé d'interroger Moubarak. Le juge en chef a ajourné les audiences jusqu'au 24 janvier.
(Avec agences)