Plusieurs heures avant le départ prévu du cortège en début d'après-midi, des dizaines de personnes sont déjà rassemblées sous la pluie devant la Grande Poste d'Alger, devenue le point de ralliement des manifestations dans la capitale.
Un mois après la démission du président Abdelaziz Bouteflika, poussé au départ le 2 avril sous la pression conjuguée de la rue et de l'armée après 20 ans au pouvoir, le mouvement de contestation ne faiblit pas, mais aucune autre revendication n'a été satisfaite depuis.
Les manifestants entendent toujours obtenir le départ de l'ensemble du "système" au pouvoir et refusent que l'appareil hérité du président déchu, suspecté d'avoir truqué les scrutins depuis deux décennies, gère la transition et organise la présidentielle devant élire son successeur.
"On marchera jusqu'à ce que toute la bande des hommes à +Boutef+ parte", dit Hamid Benmouhoub, commerçant de 55 ans, venu de Jijel, à 350 km d'Alger.
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"Nous refusons ce système. Il faut qu'il parte. Ce gouvernement ne peut pas assurer la transition", martèle Amine, 22 ans, étudiant à Tizi Ouzou, à 100 km de route. Il a passé la nuit chez des amis pour éviter les barrages filtrants mis en place chaque vendredi aux entrées d'Alger.
En tête des personnalités visées, le chef de l'Etat par intérim Abdelkader Bensalah et le Premier ministre Noureddine Bedoui, deux anciens cadres zélés du régime Bouteflika, extrêmement discrets depuis des semaines.
"Gagner du temps"
Seule voix audible, en face des manifestants, celle du chef d'état-major de l'armée, le général Ahmed Gaïd Salah, devenu de facto l'homme fort du pays depuis qu'il a lâché Bouteflika, dont il était un indéfectible soutien.
Semaine après semaine, il appuie le processus de transition mis en place conformément à la Constitution, dont l'organisation de la présidentielle, convoquée le 4 juillet par Bensalah.
Cette semaine, il a appelé la contestation au "dialogue avec les institutions de l'Etat", martelant le refus de l'armée de "s'écarter de la voie constitutionnelle": une nouvelle fin de non recevoir aux revendications des manifestants qui exigent la mise sur pied de structures ad hoc pour gérer l'après-Bouteflika.
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"Le dialogue ne peut pas se faire avec les symboles du système en place, qui détiennent le pouvoir", a réagi Abdelouahab Fersaoui, président du Rassemblement Action Jeunesse (RAJ), ONG citoyenne, dans un entretien au site d'information TSA (Tout sur l'Algérie).
"On ne peut pas entamer un dialogue avec un Bensalah ni avec un Bedoui ni avec les personnes qui ont été responsables de la situation actuelle", a-t-il estimé. Le pouvoir continue "à manœuvrer et à gagner du temps" et "n’a donné aucun signe de bonne volonté pour répondre aux revendications claires et légitimes" du mouvement.
"On ne va rien lâcher"
Aucune partie ne semble prête à céder et certains observateurs pensent que le pouvoir mise sur un essoufflement de la mobilisation inédite déclenchée le 22 février, durant le mois de ramadan qui commence dans les prochains jours.
Un mois de jeûne et de privation, durant lequel les Algériens se couchent souvent tard et au fur et à mesure duquel la fatigue se fait de plus en plus sentir.
"On continuera à marcher durant le ramadan pour exiger une période de transition avec des personnes propres, on ne va rien lâcher", assure, comme de nombreux autres manifestants, Zakia Benabdrahmane, 56 ans, arrivée à Alger avec son époux de Boumerdes, à environ 40 km à l'est de la capitale.
Pour pallier à la fatigue, la faim et la soif de la journée, la plupart des manifestants proposent de déplacer pendant le ramadan les marches le soir, après le "ftor", la rupture du jeûne.