Affaire Chaâbna: les Algériens préfèrent une carte de séjour ou un passeport français à un poste de ministre

Samir Chaâbna nommé ministre le 23 juin dernier a humilié l'Algérie en refusant de renoncer à sa nationalité française.

Samir Chaâbna nommé ministre le 23 juin dernier a humilié l'Algérie en refusant de renoncer à sa nationalité française. . DR

Le 28/06/2020 à 13h25, mis à jour le 28/06/2020 à 13h33

Un ministre algérien récemment nommé a refusé de renoncer à sa nationalité française qu'il n'a d'ailleurs jamais cachée. Une nouvelle humiliation pour le régime, avec Aldelmadjid Tebboune comme premier concerné qui a choisi de le limoger.

Le gouvernement algérien vient de subir une humiliation dont il aura du mal à se remettre. Car, jusqu'ici il était difficile d'imaginer qu'un ministre pouvait préférer un passeport français au maroquin dont il vient tout juste d'être titulaire. C'est pourtant la triste réalité que vient de révéler l'affaire de Samir Chaâbna, l'ex-ministre délégué chargé de la communauté algérienne à l'étranger. 

Samir Chaâbna a en effet refusé de renoncer à sa nationalité française, s'exposant effectivement à son limogeage par Abdelmadjid Tebboune. Les faits tels que relatés par la presse algérienne montrent la détermination de ce binational à rester citoyen français. 

En effet, le 23 juin, Abdelmadjid Tebboune effectue un remaniement ministériel et Samir Chaâbna intègre le gouvernement Djerrad II. Mais très vite une polémique éclate sur la double nationalité de ce nouveau ministre, qui est également député à l'assemblée nationale populaire algérienne. La rumeur court disant que le ministre a opposé une fin de non-recevoir la demande qui lui a été faite de renoncer à sa nationalité française. 

Malaise au sein du gouvernement. Il s'agit d'un vrai camouflet pour Abdelmadjid Tebboune lui-même et pour Abdelaziz Djerrad, puisque la signification d'une telle décision est sans équivoque. Cela veut dire que les citoyens algériens préfèrent garder leur nationalité étrangère plutôt que d'occuper dans leur propre pays une responsabilité aussi importante que celle d'un ministre. 

Alors, Djerrad et son équipe diffusent un long communiqué où ils tentent de présenter les choses à leur façon, sans toutefois convaincre en voulant dire que lui-même ignorait la double nationalité de Chaâbna au moment de sa nomination.

Le Premier ministre algérien affirme en effet que "lors des consultations pour la constitution du gouvernement, Chaâbna a accepté le portefeuille de ministre délégué chargé de la Communauté nationale à l’étranger, sans pour autant déclarer sa double nationalité". 

Et d'ajouter: "il a été demandé à M. Samir Chaâbna de se conformer aux dispositions prévues par la loi n° 17-01 du 10 janvier 2017, fixant la liste des hautes responsabilités de l’Etat et des fonctions politiques dont l’accès requiert la nationalité algérienne exclusive et de renoncer à sa nationalité étrangère".

Mais quand on lui demande de démissionner pour garder son poste, Chaâbna refuse catégoriquement, ce qui au conduit le "Président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune" à annuler "sa nomination en tant que ministre délégué, chargé de la Communauté nationale à l’étranger", toujours selon les explications fournies dans le communiqué du Premier ministre algérien. 

Evidemment, les réseaux sociaux n'ont pas attendus pour démonter en pièces l'argumentaire du chef du gouvernement algérien. Car contrairement à ce que veut faire croire Abdelaziz Djerrad, l'ancien journaliste correspondant de l'ENTV à Marseille n'a jamais caché être détenteur de la double nationalité.

Il s'en vantait même dans une vieille vidéo datant de 2016, qui est vite réapparue sur Facebook. Sur un plateau de télévision, on lui pose la question de savoir s'il est détenteur d'une double nationalité, il répond en toute franchise qu'il est à la fois français et algérien. Donc, nul n'ignorait réellement qu'il détenait un passeport français. 

Evidemment, cette histoire révèle le manque de confiance des Algériens en leur propre Etat, au point de ne jamais vouloir se séparer de leur passeport français qui est pour eux une sorte de garantie. Dans un pays qui est tout sauf un Etat de droit, il est toujours bon de savoir compter sur la pression que pourra mettre un pays comme la France pour défendre ses citoyens contre les dérives du régime algérien. 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 28/06/2020 à 13h25, mis à jour le 28/06/2020 à 13h33