Algérie. Scandale sanitaire: RHB, le médicament "miracle" qui tue au lieu de soigner

Le RHB a été admis dans les pharmacies comme complément alimentaire pour aller vite.

Le RHB a été admis dans les pharmacies comme complément alimentaire pour aller vite. . DR

Le 15/12/2016 à 15h17, mis à jour le 15/12/2016 à 16h02

Le ministre algérien de la Santé pensait avoir trouvé un médecin de génie ayant mis au point un produit miraculeux contre le diabète. Il découvre qu'il s'agissait d'un charlatan vantant les mérites d'un produit qui envoie les malades à la morgue au lieu de les guérir.

Un scandale chasse l'autre. Cela pourrait être le titre d'un roman inspiré de la vie en Algérie en ce mois de décembre 2016. Les faits ubuesques s'y succèdent, tous plus pathétiques les uns que les autres. Après l'échec du Forum africain, l'odieux traitement réservé aux migrants subsahariens, voilà Rahmat Rebbi -miséricorde du seigneur- (RHB), le médicament miracle qui tue. 

En effet, plusieurs patients l'ayant consommé après avoir abandonné leur traitement habituel ont fini à l'hôpital dans un état comateux. Et comme un scandale en entraîne toujours un autre, le ministre de la Santé, qui a vanté les qualités du produit en son temps, n'a rien fait. Il a fallu que le ministère du Commerce prenne les devants pour oser en interdire la vente, depuis hier mercredi 13 décembre. 

Il faut revenir au début de l'histoire pour comprendre l'enchaînement kafkaien des faits. C'est au début de l'année 2016 qu'un certain Dr Toufik Zaibet affirme avoir découvert un produit miracle permettant de soigner le diabète. Il est relayé par un ballet médiatique, notamment via la chaîne de télévision Echourouk News.

Du coup, le médecin, devenu subitement scientifique de renom, fait le buzz et tout le monde le veut sur son plateau. Devant ce coup de pub, le ministre de la Santé Abdelamalek Boudiaf, chez qui rien n'arrive jamais d'intéressant, veut surfer sur la vague. "En fait, on a une méthode scientifique : on va présenter (le médicament) à notre laboratoire et à des experts", affirme-t-il dans des propos que rapportent nos confrères de la presse algérienne. Et d'ajouter: "Après cela, ce produit sera enregistré et distribué". Le ministre use de formules toutes faites, félicitant "le peuple algérien pour ce produit, un produit qui va provoquer, j’en suis sûr, une révolution". 

La suite on l'a connaît. Pour aller vite, Dr Zaibet demande et obtient que le médicament soit commercialisé comme complément alimentaire. Le ministre de la Santé l'a suivi parce que lui aussi était sûr du succès que tout cela allait représenter pour l'Algérie, comme il l'a si bien laissé entendre. "Ce médicament n’a pas d’effets secondaires. Certains cas suivis se sont débarrassés définitivement de l’insuline et des comprimés (…). Le pancréas a repris son activité de (sécrétion)", affirme le ministre de la Santé selon le site Tout sur l'Algérie

Sauf que début décembre, le rêve de changer la vie des millions de diabétiques porté par le ministre Boudiaf et le Dr Zaibet vire au cauchemar. A Constantine, un patient qui avait abandonné son traitement à l'insuline au profit du RHB est transporté aux urgences dans un état comateux. C'est le premier d'une longue série. A Alger, Oran et dans d'autres villes, des cas similaires sont constatés. A chaque fois, les patients ont abandonné leur traitement médical pour se contenter de Rahmat Rebbi, qui est finalement une malédiction et non une miséricorde. 

Comme le ministre de la Santé s'était bien trop impliqué, il a soigneusement évité d'interdire le médicament tueur pour ne pas trop ébruiter l'affaire. C'est finalement le ministère du Commerce qui en interdit la vente qui se faisait uniquement via le réseau pharmaceutique. 

Voilà ce qu'est encore une fois la pathétique Algérie. On présente un produit comme miraculeux et on lui trouve un nom qui évoque Dieu - bien que le docteur "La Mort" qui en faisait la promotion ait eu des prétentions scientiques. "Sur le plan purement éthique, est-il possible d'utiliser le nom Dieu -Allah ou Rebbi, peu importe- comme nom commercial", se demande TSA. De plus, le ministère du commerce n'a décidé de s'occuper du produit qu'après qu'il ait fait des victimes. Pourquoi n'avoir pas réalisé les tests adéquats au moment opportun? Et le ministre de la Santé dans tout ça? Lui qui, hier encore, chantait sur tous les toits qu'il avait "vu le CV" de docteur machin et que le produit méritait qu'on félicite le "peuple algérien". Aujourd'hui, il est muet comme une carpe. 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 15/12/2016 à 15h17, mis à jour le 15/12/2016 à 16h02