Imbolo Mbue: la romancière dont le manuscrit vaut un million de dollars

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Le 12/09/2016 à 10h23, mis à jour le 12/09/2016 à 16h41

L'histoire de la romancière camerounaise Imbolo Mbue, née il y a 33 ans dans une maison sans eau courante et devenue célèbre du jour au lendemain en obtenant une avance d'un million de dollars pour son premier roman, ressemble à un conte de fées new-yorkais.

Le roman, "Voici venir les rêveurs" (Belfond), publié simultanément des deux côtés de l'Atlantique pour la rentrée littéraire, unanimement salué par la critique aux Etats-Unis comme en France, a été écrit en 2014 dans un petit appartement new-yorkais alors que Imbolo Mbue allaitait encore ses enfants.

"J'ai commencé le livre quand mon premier enfant était un bébé", se souvient la romancière lors d'un entretien avec un journaliste de l'AFP à Paris. "Je l'ai réécrit alors que je m'occupais de mon second enfant".

"J'ai perfectionné l'art de m'occuper de mes enfants d'une main et d'écrire avec l'autre", dit-elle dans un éclat de rire.

"Voici venir les rêveurs" raconte l'histoire de Jende Jonga et de sa famille venus à New York pour accéder au "rêve américain". Comme Imbolo Mbue, ces immigrés sont originaires de Limbé au Cameroun. Jende est chauffeur pour un riche banquier de Lehman Brothers. Le rêve vraiment? Nous sommes en 2007, la crise des subprimes va éclater comme un coup de tonnerre.

Il y a l'amitié factice entre Jende et son patron, la découverte du racisme pour Neni, la femme de Jende. Pourtant, à aucun moment il n'y aura de révolte. Juste la fin des illusions. "Je n'aime pas ce que ma vie est devenue dans ce pays", dira Jende après avoir perdu son poste de chauffeur et toujours en quête de la fameuse "carte verte".

Mais Jende, caricature de l'employé droit, honnête et courageux, ira jusqu'à remercier le patron qui l'a licencié.

Comme ses personnages, Imbolo Mbue est arrivée en Amérique à l'âge de 17 ans avec juste son innocence et son obstination.

Diplômée en business de l'université Rutgers, dans le New Jersey, elle perd son boulot dans une société de marketing. "Comme tant d'Américains sans travail", elle peine à en trouver un nouveau et se lance dans l'écriture.

"Je voulais être professeur mais mon mari m'a poussé à écrire", se souvient-elle. "En fait, c'est amusant car il n'avait toujours pas lu le livre avant sa sortie en librairie. Ça parle de quoi?, m'a-t-il demandé".

Au lieu d'envoyer son manuscrit à un quelconque agent littéraire comme cela se fait généralement aux Etats-Unis, Imbolo Mbue est allée directement apporter son texte à Susan Golomb, l'agent de Jonathan Franzen, un des plus grands auteurs américains.

"J'ai passé trois ans à la poursuivre", précise-t-elle. "Je l'ai littéralement traquée. Elle a finalement lu le livre, j'ai dû le réécrire, elle l'a refusé de nouveau avant enfin de dire +Ok+".

"Je ne renonce pas facilement", dit en souriant la jeune romancière.

Malgré son succès et son contrat d'un million de dollars, Imbolo Mbue ne se fait guère d'illusions sur le rêve américain à l'heure de Donald Trump.

"Quand vous êtes immigrés, les chances sont contre vous en Amérique", dit-elle. "J'espère que les gens (qui veulent émigrer aux Etats-Unis) le savent", ajoute-t-elle.

"Quand vous faites la plonge ou travaillez comme taxi, vous restez coincés et vous êtes épuisés. On ne vient pas en Amérique pour échouer mais vous devez avoir beaucoup d'armes pour réussir", souligne-t-elle.

Devenir écrivain n'est pas forcément la voie qu'elle s'est choisie. "Je garde cette mentalité d'immigré à la recherche de stabilité", dit-elle. "Je ne peux pas seulement penser à moi".

Malgré sa nouvelle célébrité, elle n'a pas quitté son "très petit" appartement new-yorkais. "Je suis superstitieuse. Il y a tellement de bonnes choses qui sont arrivées là que je ne veux pas bouger".

"Je suis à l'étroit, au milieu des cris des enfants mais je pense que si je m'en vais mon +mojo+ disparaîtra".

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 12/09/2016 à 10h23, mis à jour le 12/09/2016 à 16h41