Le «Ndop» se décline aujourd’hui sous toutes les coutures. Ce tissu emblématique des peuples des Grassfields, porté notamment lors de cérémonies rituelles en pays bamiléké, dans la région de l’ouest du Cameroun, s’affranchit désormais des traditions pour s’exposer au grand jour. Cette étoffe bleue aux motifs géométriques et graphismes blancs séduit aussi les grandes maisons de mode.
La célèbre maison de luxe française Hermès s’en est d’ailleurs inspirée pour sa nouvelle collection de foulards en soie baptisée… «Ndop»! «La Fondation camerounaise Jean-Félicien Gacha possède un important fonds de tissus Ndop dont la richesse ornementale a inspiré ce carré», explique la prestigieuse marque sur son site internet.
«Les tissus Ndop des Bamilékés, habitants de la savane camerounaise, en Afrique centrale, sont faits de coton tissé en bandes étroites. Si cette première étape est réalisée dans le nord du pays, non loin de Garoua, ce sont ensuite les femmes bamilékées qui appliquent à l’aide de fil de raphia les motifs qui seront teints en réserve à l’indigo.
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Le répertoire décoratif très varié s’inspire à la fois de motifs ornant les habitations traditionnelles et des dessins des Wukari du Nigeria, pays dont cette tradition textile est vraisemblablement originaire. Le Cameroun se caractérise par le choix de motifs abstraits, le Nigeria par une figuration prenant pour modèles des humains, des lézards et des léopards.
Ces étoffes sont utilisées pour différents rituels», détaille la marque, essentiellement connue pour sa maroquinerie.
Il faut cependant débourser la somme de 360 euros, soit plus de 236.000 francs CFA, pour s’offrir ce carré en soie de 90x90 cm disponible en trois coloris (marine, vert et rose) sur le site officiel d’Hermès. Au Cameroun, certains se réjouissent de cette «reconnaissance» internationale du Ndop, voyant là un symbole d’africanité.
Profanation
D’autres par contre, à l’instar des gardiens de la tradition, crient à la «profanation» car, «le Ndop est sacré», disent-ils. «Traditionnellement, ce sont les dignitaires qui portent le Ndop pour montrer qu’ils agissent au nom de la tradition. Mais quand quelqu’un est frappé par un malheur par exemple, il doit en porter un pour faire passer un message, car le tissu en lui-même est comme un livre. Tout ce qui y est inscrit correspond à des symboles et à des signes qu’il faut expliquer», affirme le prince Théophile Tatsitsa.
«On ne peut pas arrêter le progrès. C’est comme avec le Wax (tissu africain coloré, aujourd’hui star des podiums de défilés de mode, NDLR). L’usage du Ndop dans la mode aujourd’hui est aussi une manière pour nous de nous approprier ou réapproprier notre identité culturelle», réplique un jeune créateur qui a fait du Ndop, sa marque de fabrique.