"Pauvreté et prospérité partagée", le premier rapport sur le thème de la répartition des revenus dans le monde, rendu public par la Banque mondiale au tout début du mois d’octobre, révèle bien des secrets. Qui pensait que le Rwanda, le pays africain que tout le monde encense, aurait pu faire partie des nations les plus inégalitaires dans le monde? Qui aurait pu soupçonner qu’en matière d’inégalité des revenus, le Sénégal est beaucoup moins bien classé que la Mauritanie, laquelle obtient la meilleure note de l’ensemble des pays africains classés par le rapport ? Comment un pays comme le Burkina Faso peut-il légèrement dépasser Maurice ? Ce sont autant de questions qui se posent sur ce bref classement qui concerne 23 pays du continent sur les 101 Etats dont les experts de la Banque mondiale ont déterminé l’indice de Gini.
L’indice de Gini, prenant des valeurs de 0 à 100, permet de donner une idée chiffrée sur les inégalités dans un pays. 0 étant l’égalité parfaite et 100 étant l’inverse, c’est-à-dire une inégalité parfaite. L’indice de Gini du continent est de 45,1, contre une moyenne mondiale proche de 38. Il y a donc des efforts à faire, surtout si l’on sait que la plupart des pays africains sont au-delà de la moyenne mondiale, présentant ainsi un indice d’inégalité supérieur à 38. Ceux qui dans le classement 2016 font exception sont au nombre de 7 sur 23 classés : Maurice, Burkina Faso, Sierra Leone, Niger, Guinée, Ethiopie, Mauritanie.
1. Afrique du Sud : l'apartheid est fini, dit-on
Avec un indice de Gini proche de 63, l’Afrique du Sud est le pays le plus inégalitaire dans le monde. Cela choque évidemment, 21 ans après la fin de l’apartheid. Mais, ce n’est pas une grande surprise si l’on sait que la politique du Black Empowerment qui vise à donner accès aux Africains dans le capital des entreprises a également contribué à créer de nouveaux riches. La vraie répartition des revenus n’a pas eu lieu. Le taux de chômage atteint des sommets, notamment dans les villes et touche particulières la population jeune et noire. Les métis sud-africains, qui sont souvent un mélange d’arabe, d’indiens et d’africains, sont également des laissés-pour-compte.
2. Rwanda: le paradoxe d'un pays cité en exemple
C’est une véritable anomalie qu’il est difficile d’expliquer. Le Rwanda est un exemple dans beaucoup de domaines. La croissance y est très forte. Le pays dispose d’un système de santé modernisé, notamment par l’assurance maladie universelle qu’il est le premier à adopter en Afrique. Son système éducatif est très performant. Et pourtant… Son indice de Gini dépasse les 50, ce qui est une aberration socio-économique. C’est parce que 60% de la population rwandaise vivent encore en deçà du seuil de pauvreté, malgré un faible taux de chômage. Car officiellement le taux de chômage n’est que de 13,2% en 2016 et il était même de 3,2% en 2013, année servant de base pour le rapport de la Banque mondiale. Le Rwanda a donc de sérieux efforts à faire aussi bien dans l’amélioration des bas revenus que dans l’élargissement de sa population active.
3. Congo (Brazzaville): Ô peuple, touche pas au pétrole!
C’est l’un des plus grands producteurs de pétrole du continent, mais visiblement les revenus des matières premières ne profitent qu’à une élite ou à une classe proche des sommets de l’Etat. Son indice de Gini (49) est supérieur à la moyenne africaine, signe d’inégalité entre les différentes couches de la société congolaise. Selon le rapport, 40% des Congolais les moins nantis vivent avec moins de 1,20 dollar/jour. Alors que la moyenne globale de la population (3,86 dollars par jour) dépasse largement le minimum vital déterminée par les experts de la Banque mondiale qui est de 1,90 dollar/jour.
Seychelles: A l'abri du besoin, et pourtant...
Comment les Seychelles ont pu occuper la quatrième place africaine des pays les plus inégalitaires ? L’indice de Gini des Seychelles est autour de 47 ce qui est au-delà de la moyenne du continent. Les Seychelles n’ont que 90.000 habitants, à peine la population la population d’un quartier du Caire, de Dakar ou de Casablanca. Elles bénéficient en plus d’un plein emploi avec un taux de chômage de 4,70% seulement. Mais rien d’étonnant, l’inégalité ne signifie forcément pas pauvreté, elle veut simplement dire que la plus importante part des revenus va aux plus riches, au moment où le reste de la population se contente des salaires largement inférieurs à ceux des plus nantis. Aux Seychelles, si le revenu moyen est de 13.600 dollars/an, certains se retrouvent bien avec des millions, alors que d’autres se contentent de quelques milliers.
Cameroun: Tout pour moi, rien pour vous
Avec un indice également proche de 47, le Cameroun est loin d’être un bon exemple en matière d’égalité. De plus, les inégalités augmentent d’après le rapport "Pauvreté et prospérité partagée". En effet, les 40% les plus défavorisés de la population ont à peine un revenu de 1,71 dollar/jour, en deçà du 1,90 dollar considéré comme minimum vital. Pendant ce temps, la moyenne camerounaise est de 5,27 dollar/jour, ce montre bien que l’argent va plutôt aux plus nantis.
Classement des pays du plus égalitaire au plus inégalitaire: