Longue de 750 km, cette ligne ferroviaire, qui ne sera pleinement opérationnelle que dans un mois, va relier la capitale éthiopienne au port de Djibouti, qui donne sur la mer Rouge, en une dizaine d’heures à peine, contre un trajet de plusieurs jours par la route.
Elle enterre définitivement l'ancien chemin de fer franco-éthiopien mis en service en 1917 et qui fonctionnait encore laborieusement sur le tronçon entre Dire Dawa (nord-est de l'Ethiopie) et Djibouti, au prix d’une lenteur proverbiale et de fréquents déraillements.
Le gain de temps est considérable, sachant que 1.500 camions empruntent chaque jour cette route surchargée et mal entretenue, sur laquelle transitent près de 90% des importations éthiopiennes.
Et ce chiffre ne cesse d'augmenter à mesure que l'Ethiopie, pays enclavé sans accès à la mer depuis l'indépendance de l'Erythrée (1991), se développe. L'Ethiopie avait la plus forte croissance économique au monde en 2015 (10,2%), mais celle-ci pourrait chuter à 4,5% en 2016 en raison d'une forte sècheresse, selon le Fonds monétaire international.
"Ce train représente un changement majeur. L'Ethiopie est l'une des économies les plus dynamiques d’Afrique. La connexion avec les ports (de Djibouti) va booster notre économie et accélérer notre croissance", assure Mekonnen Getachew, le responsable du projet pour la Compagnie ferroviaire éthiopienne (ERC).
C'est aussi l'avis de Tingrit Worku, un importateur éthiopien. "On est très excité. En ce moment, l'un des plus grands problèmes, c'est qu'il y a beaucoup d'aide alimentaire au port de Djibouti. Elle a priorité sur le reste et on a du mal à sortir nos cargaisons. Si le train peut les prendre, ça va être un gros soulagement".
"Cela prend deux ou trois jours à un camion pour venir de Djibouti", ajoute-t-il. "Tant que la cargaison est à Djibouti, on n'a pas beaucoup d'informations. Le chauffeur ne répond pas à son téléphone. On ne sait pas où il est et ça peut être un petit cauchemar. Vous devenez très inquiet. Le train ferait une énorme différence." Le discours est le même chez Zhang Huarong, président de la société chinoise Huaajian, qui exporte chaque mois trois millions de chaussures fabriquées en Ethiopie, principalement vers les Etats-Unis et l'Europe, via Djibouti.
"Nous espérons que ce train réduira les efforts logistiques et réduira les coûts. Nous sommes très optimistes", assure-t-il.
Vers une ligne transafricaine
La nouvelle ligne se veut aussi une vitrine de la technologie chinoise sur le continent africain. Les 3,4 milliards de dollars d'investissement ont été financés à 70% par la banque chinoise Exim Bank. Deux sociétés chinoises, China Railway Group et China Civil Engineering Construction Corporation se sont partagé la construction. "C'est le premier train électrifié de gabarit standard sur le continent construit selon les normes chinoises et avec la technologie chinoise, et ce ne sera certainement pas le dernier. Beaucoup de monde devrait en tirer parti", a déclaré dans un communiqué l'ambassadeur chinois en Ethiopie, La Yifan.
L'inauguration de mercredi sera suivie par une période test de trois mois, lors de laquelle le train ne transportera pas de passagers, mais seulement des marchandises.
En vertu d'un accord de gestion, des chefs de gare, des techniciens, des contrôleurs et des personnels navigants chinois seront au service des passagers éthiopiens. "Nous n'avons pas encore l'expérience nécessaire. L'accord de gestion prévoit la présence de personnel chinois pendant cinq ans, avec un homologue éthiopien en formation", justifie Mekonnen Getachew.
Ce train Addis-Djibouti est la première étape d'un vaste réseau ferroviaire. L'Ethiopie entend construire 5.000 km de voies ferrées d'ici 2020.
L'objectif est de connecter cette ligne avec le Soudan via Mekele (nord), le Kenya via Moyale (sud), et le Soudan du Sud via Gambella (ouest).
A plus long terme, ce train doit être le point de départ d'une ligne ferroviaire transafricaine qui traversera le continent d’est en ouest, de la mer Rouge à l'océan Atlantique, dans le golfe de Guinée.
Ce trajet serait bien plus direct que le contournement du continent en bateau, qui prend trois semaines. Mais cette ambition est encore lointaine, puisque le tracé passerait par des pays en crise comme le Soudan du Sud ou la Centrafrique.