Cameroun-UE: APE, faibles pertes de recettes pour les douanes

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Le 28/06/2017 à 16h12

En 10 mois d'application, les pertes en droits de douane sont estimées à 666 millions de F CFA. Le Cameroun se prépare à passer à la deuxième phase du démantèlement tarifaire avec l'Union européenne.

15,5 milliards de F CFA. C’est le manque à gagner qu’avait estimé le Cameroun, au terme de sa première année de démantèlement tarifaire avec l’Union européenne (UE), dans le cadre de l’Accord de partenariat économie (APE).

A deux mois de la clôture de la première année d’application de cet accord, d’aucuns estiment que le Cameroun avait exagéré les estimations de perte. Car, du 4 août 2016 au 31 mai 2017, le pays n’a perdu que 666 millions de FCFA en termes de recettes douanières, soit seulement 5% du montant qui était projeté!

Cette situation s’explique par le fait que «80% des règles d’origine ne sont pas faites. Les importateurs continuent à payer les droits de douane sur des produits en provenance de l’UE. Autre raison, le phénomène de non-cumul des préférences. Celles portées sur l’UE sont peu nombreuses, malgré la signature de l’APE», explique Samuel Yemène, membre du Comité chargé du suivi de la mise en œuvre de l’APE bilatéral.

C’est dans ce contexte que s’inscrivent les préparatifs pour l’entrée des produits dits du 2e groupe. Ainsi, les négociateurs de l’APE, les responsables de la douane camerounaise et les opérateurs économiques étaient récemment réunis à Douala dans le cadre de la préparation de la deuxième phase de l’Accord. Laquelle sera marquée par le démantèlement tarifaire de 25 à 50% des produits dits du 1er groupe et l’entrée des produits du deuxième groupe.

A quelques semaines de cette échéance, prévue dès le 4 août 2017, la session spéciale du Forum douanes-entreprises s’est tenue sous le thème : «Défis, contraintes et perspectives du partenariat douanes-entreprises à l’ère de la mise en œuvre de l’APE bilatéral Cameroun-Union européenne». Il était question, selon Edwin Fongod Nuvaga, DG des douanes, d’identifier les défis, les contraintes et les perspectives liés à l’application de l’APE. Le DG a en outre indiqué que l’entrée en vigueur de l’Accord, attendue comme un «séisme économique n’a pas entraîné la fin de l’administration des douanes, ni celle des entreprises».

Sauf que le patronat réitère que l’APE avec l’UE n’est pas si profitable. Quelques-unes arrivent effectivement à s’équiper en machines de nouvelle génération. Mais la plupart continuent à payer les droits de douane même sur les produits européens. Occasion pour Me Désiré Loumou, autre expert de la commission de suivi d’apporter des précisions à propos : «Pour bénéficier des préférences de l’accord d’étape, il faut que le produit importé soit originaire de l’UE, certes, mais surtout que vous démontriez à l’entrée que ce caractère originel est établi par un document qui peut être le certificat de circulation ou le certificat d’origine. A défaut, la douane est dans son droit d’appliquer les droits de douanes».

Cet expert explique par ailleurs que l’estimation faite par la douane des pertes enregistrées depuis le démarrage du démantèlement tarifaire concerne des pertes brutes, exclusivement celles du cordon douanier. A terme, ce qui sera beaucoup plus utile pour évaluer les pertes avec l’APE, c’est l’impact fiscal net. Autrement dit, les pertes à la porte en plus de celles induites en interne. «Et si les pertes brutes paraissent faibles à l’état actuel, c’est parce que le processus est en train de démarrer. Tous les acteurs ne se sont pas encore mis à niveau pour l’exploiter à plein régime. D’ici trois à quatre ans, les estimations des pertes douanières seront plus importantes», pensent Me Loumou.

En attendant, les entreprises dénoncent à nouveau l’insuffisante attention portée à la lutte contre le commerce illicite (fraude, contrefaçon, contrebande) qui met à mal l’industrie locale. Pour elles, la concurrence européenne ne fera qu’empirer la situation...

Enfin, il faut rappeler que le Cameroun est le seul pays signataire de l'APE avec l'UE dans la région CEMAC.

Par Elisabeth Kouagne (Abidjan, correspondance)
Le 28/06/2017 à 16h12