Érythrée: une firme canadienne poursuivie pour esclavage

Selon les juges, Nevsun ne peut pas évoquer son irresponsabilité en parlant de l'implication de l'Etat érythréen.

Selon les juges, Nevsun ne peut pas évoquer son irresponsabilité en parlant de l'implication de l'Etat érythréen. . DR

Le 24/11/2017 à 18h47, mis à jour le 24/11/2017 à 18h51

Une firme canadienne qui exploite un gisement de minéraux sera bel et bien poursuivie pour esclavage. Les faits se sont déroulés en Erythrée et sont d'une cruauté déconcertante.

Au moment où le monde entier s’émeut du drame des migrants libyens, une décision de justice du Canada a décidé de poursuivre la firme Nevsun Resources pour des faits d'esclavage perpétrés dans son gisement d'or, de cuivre et de zinc à Bisha, à 150 km à l’ouest d’Asmara, la capitale. La mine est détenue à 60% par la firme et à 40% par l’Etat d’Erythrée.

52 employés ont ainsi intenté un procès au Canada pour un système de travail forcé couplé à des traitements dégradants dont ils ont été victimes et dont Nevsun Resources était non seulement complice, mais principale bénéficiaire. La plainte date de 2014, après qu’un premier groupe de trois personnes avait réussi à rejoindre le Canada.

Leur nombre a vite grossi au point d’atteindre 57 personnes aujourd’hui, tous ayant réussi à gagner un pays étranger. Les ouvriers étaient recrutés dans l'armée où ils avaient été enrôlés de force pour effectuer leur service militaire. En Erythrée, ce dernier est obligatoire et à durée illimitée. Repérés pour leurs aptitudes aux travaux de construction, ils avaient vite été affectés dans deux sociétés appartenant au parti-Etat, en l’occurrence Segen et Mered, des sous-traitants de Nevsun Resources.

Les soldats-esclaves recevaient un peu de nourriture et d’eau, travaillaient durant des journées interminables et étaient attachés les uns aux autres la nuit pour les empêcher de s'évader. Evidemment, si le travail était mal fait ou lent, ils recevaient de sévères punitions. Des conditions similaires à de l’esclavage.

Mardi dernier, trois juges canadiens ont débouté Nevsun qui avait émis des objections, arguant que les faits ne s'étaient pas produits en territoire canadien et que Segen et Mered n’étaient que ses sous-traitants. Le procès aura donc bien lieu, dans un contexte encore plus défavorable après l'émotion suscitée par les abominations récemment révélées par CNN en Libye. Cela a peut-être contribué à faire pencher la balance du mauvais côté pour Nevsun. 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 24/11/2017 à 18h47, mis à jour le 24/11/2017 à 18h51