Depuis plus d'une semaine, la plupart des stations service de la capitale Luanda sont assiégées par de longues files d'automobilistes en quête d'essence.
"Nous n'avons plus rien", explique à l'AFP un pompiste du quartier populaire de Bairro Popular, Henriques Carvalho.
"Ils sont venus hier pour nous ravitailler mais la demande était tellement forte que nous avons vendu nos derniers litres cette nuit", poursuit-il, "j'attends le prochain camion-citerne".
Devant chaque pompe, camions et voitures s'étirent à perte de vue. "Je fais la queue depuis deux heures", s'impatiente Gisela Manuela, au volant de sa berline. "J'ai déjà essayé en vain trois autres stations, j'espère que celle-là sera la bonne".
Les stations service de la plupart des autres provinces du pays sont elles aussi au régime sec, ont confirmé des habitants contactés au téléphone par l'AFP.
Le rationnement a fait bondir les prix du carburant au marché noir. Dans les rues, le litre de super vendu à la pompe à 160 kwanzas s'échange trois fois plus cher (0,8 à 2,5 euros).
Les causes de cette pénurie restent encore mal éclaircies.
Il y a une semaine, la compagnie pétrolière nationale, la Sonangol, a reconnu "quelques retards dans le déchargement des carburants dans les ports du pays en raison de contraintes mineures de paiement de certains fournisseurs".
Mais elle a assuré qu'il n'y avait "pas de pénurie de carburant" et "aucune raison de s'alarmer". Avant de promettre que l'approvisionnement serait "assuré pour les fêtes".
Contactée par l'AFP, la Sonangol n'a pas souhaité en dire plus.
L'Angola produit plus de 1,6 million de barils de brut par jour, à égalité ou presque avec le Nigeria. Comme il ne dispose que d'une raffinerie, l'essentiel de son brut est raffiné à l'étranger.
- 'Vengeance' -
La chute des cours du pétrole, la principale ressource du pays, à partir de 2014 a plongé l'économie et les finances publiques du pays dans une grave crise dont il peine toujours à sortir.
La Sonangol, principal contribuable de l'Etat, se trouve elle-même en sérieuses difficultés financières. En mars dernier déjà, l'Angola avait été affecté par des problèmes d'approvisionnement attribués par la Sonangol à des "retards de paiement" à ses fournisseurs.
Faute d'autre explication sur les causes de ce nouvel épisode, les adversaires du régime y vont de leurs explications politiques, avec la complicité active des réseaux sociaux.
"Tout ça, c'est une tentative de bloquer le gouvernement du président Joao Lourenço", affirme à l'AFP l'analyste politique Agostinho dos Santos, proche de l'opposition.
"La plupart des stations de carburant en Angola appartiennent ou sont contrôlées par des généraux du régime de l'ex-président (Jose Eduardo dos Santos) et sa fille", dit-il, "ces propriétaires veulent se venger du nouveau président".
Jose Eduardo dos Santos a quitté la présidence à la faveur des élections générales d'août dernier, après trente-huit ans d'un règne sans partage pendant lequel il a mis l'économie du pays en coupe réglée au profit d'une poignée de proches.
Son successeur Joao Lourenço, qui a promis de lutter contre la corruption, s'est lancé depuis dans un grand ménage.
Il a limogé de nombreux dirigeants d'institutions et d'entreprises et chefs de l'appareil sécuritaire proches de l'ex-chef de l'Etat. Sa principale victime n'est autre qu'Isabel dos Santos, remplacée le mois dernier à la tête de la Sonangol.
"Cette pénurie de carburant n'est qu'une façade", a jugé lui aussi le rappeur et opposant Adao Bunga MC Life. "L'immunité et l'impunité des généraux de dos Santos n'existe plus, ils sont en colère et s'en prennent à Lourenço".
Premières victimes de la pénurie, les automobilistes, eux, perdent patience. "On ne peut pas vivre sans essence", rouspète l'un d'eux, Isaias Soares, "je ne comprends pas comment on peut avoir une pénurie dans un pays qui produit du pétrole..."