Afrique du Sud: un difficile exercice budgétaire pour une économie à bout de souffle

Johannesburg, capitale économique de l'Afrique du Sud.

Johannesburg, capitale économique de l'Afrique du Sud.. DR

Le 21/02/2019 à 11h35

Après une croissance quasi-nulle en 2018, le ministre sud-africain des finances, Tito Mboweni, a reconnu, mercredi, que l’économie de son pays était toujours dans la tourmente, avec une croissance insuffisante pour juguler les énormes déficits sociaux dont souffre le pays.

Présentant devant le parlement le budget de son gouvernement pour l’année 2019-2010, l’argentier sud-africain a revu à la baisse ses prévisions de croissance pour 2019 à 1,5% contre une prévision initiale de 1,7%. Cette révision intervient en raison de la fragilité du marché de l’emploi et l’affaiblissement des investissements, a dit le ministre.

Les nouvelles prévisions confirment la trajectoire négative de cette économie, comptée parmi les plus industrialisées du continent africain. Le pays de Nelson Mandela se débat depuis la crise financière de 2008 dans une croissance molle. Une situation qui ne sert guère les ambitions affichées par le président Cyril Ramaphosa depuis son arrivée au pouvoir il y a un an de réduire un chômage qui frappe plus de 27% de la population active.

Les autres déficits sociaux demeurent tout aussi alarmants, notamment une pauvreté qui touche environ la moitié de la population estimée à environ 58 millions d’âmes et des disparités sociales parmi les plus graves au monde.

Le ministre des Finances a préféré jouer sur la carte du réalisme, soulignant que l’Afrique du Sud demeure «une petite économie» vulnérable aux chocs externes.

Dans ce contexte, il a dévoilé une série de mesures visant la réduction des dépenses publiques dont un gel des salaires et l’encouragement des départs volontaires des fonctionnaires. Autant de mesures qui devront, selon les analystes, accentuer la grogne des syndicats à l’approche des élections générales, qui auront lieu le 8 mai prochain.

La présentation du budget gouvernemental intervient dans une conjoncture critique pour l’Afrique du Sud, en particulier avec la crise financière sans précédent qui affecte la compagnie nationale d’électricité (Eskom) et les autres entreprises publiques comme le transporteur national, South African Airways.

Dans ce contexte, Mboweni a été contraint d’annoncer un plan de sauvetage d’un montant de 69 milliards de rands, soit environ 5 milliards de dollars, au profit d’Eskom.

Ce plan, dont la mise en œuvre sera étalée sur trois ans, ne signifie guère la reprise de la dette de la compagnie qui s’élève à environ 30 milliards de dollars, a tenu à préciser le responsable, soulignant que continuer à verser des fonds dans Eskom dans sa forme actuelle, s’apparente à verser de l’eau dans une passoire.

Foudroyée par de longues années de mauvaise gouvernance et de corruption, Eskom a repris récemment les opérations de coupure du courant à travers le pays, portant une grave atteinte aux efforts visant à redynamiser l’économie.

Le cas d’Eskom s’applique à la quasi-totalité des entreprises publiques dans ce pays, gangréné par la corruption. Mboweni s’est interrogé au sujet de la viabilité de ces entreprises et le fardeau qu’elles représentent pour les finances de l’État.

Ces entreprises présentent «un risque très sérieux», a-t-il dit, appelant à dégraisser ces entités pour baliser le chemin au retour de la croissance.

Les agences internationales de notation suivent de près l’évolution au pays arc-en-ciel. Moody’s a rapidement réagi au discours de l’argentier sud-africain, exprimant des inquiétudes au sujet de la situation fiscale de l’Afrique du Sud.

Le budget 2019-2020 «illustre la flexibilité fiscale limitée du gouvernement dans un environnement économique difficile», a dit Moody’s, la seule des trois principales agences de notation qui maintient toujours la note souveraine sud-africaine à BAA3, soit un cran au-dessus du niveau spéculatif. Les deux autres agences: Fitch Ratings et Standard & Poor’s avaient dégradé en 2017 la note de ce pays d’Afrique australe.

Lors de son passage devant le parlement, Mboweni a admis que l’Afrique du Sud a eu des discussions «difficiles» avec les agences de notation sur l’impact du budget sur la notation du pays. Selon lui, l’effet devrait être «positif», compte tenu des interventions pratiques que le gouvernement envisage de mener notamment auprès de la compagnie d’électricité.

L’Alliance démocratique (DA, principale formation d’opposition) a critiqué le budget du gouvernement de l’ANC, estimant qu’il aura un effet «cosmétique».

«l’Afrique du Sud traverse une étape très difficile. Il est devenu évident qu’au lieu de prendre des mesures audacieuses et décisives contre Eskom, nous avons injecté davantage de fonds dans cette entreprise», a déclaré Mmusi Maimane, chef de la DA, soulignant que l’Afrique du Sud a besoin d’un plan qui créerait des emplois, le pays se trouvant dans une situation qui nécessitait un «changement radical».

Dans les rangs des analystes, on estime que la nouvelle feuille de route budgétaire ne sera pas en mesure d’attirer les investissements dont le pays a besoin pour se remettre de sa crise.

«aucun plan à long terme n’a été élaboré pour résoudre les problèmes structurels du pays», indique Lumkile Mondi, professeur d’économie de l’Université Wits de Johannesburg. «C’est un budget qui place le pays sur une trajectoire d’une nouvelle dégradation de sa note souveraine», a dit l’expert, relevant que le budget ne prévoit aucun mécanisme de soutien à la croissance.

Le nouveau budget devra sans doute accentuer les pressions sur l’ANC sans pour autant impacter le résultat des élections générales du 8 mai. Le parti de Mandela, qui préside aux destinées de l’Afrique du Sud depuis la fin de l’apartheid en 1994, devra remporter ce scrutin avec un score avoisinant les 60 pc des voix, selon les sondages.

Par Le360 Afrique (avec MAP)
Le 21/02/2019 à 11h35