L'Éthiopie au bord d'une nouvelle guerre civile

Mekele, la capitale de la région du Tigré.

Mekele, la capitale de la région du Tigré. . DR

Le 04/11/2020 à 15h47, mis à jour le 04/11/2020 à 15h58

La tension est vive entre Addis-Abeba et les autorités provinciales du Tigré. L'attaque d'un camp de l'armée fédérale dans cette région qui menace de faire sécession aurait fait plusieurs morts et risque de déclencher une guerre dont nul ne connaît les conséquences potentielles.

Près de trente ans après la fin du conflit de 1974 à 1991, l'Ethiopie est peut-être pour la première fois au bord d'une nouvelle guerre civile qui a pour origine la région du Tigré.

En effet, selon le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, le Front de libération du peuple du Tigré (FLPT) a franchi "le dernier stade de la ligne rouge" en attaquant un camp de l'armée fédérale, tuant plusieurs soldats et faisant beaucoup de blessés.

On va visiblement vers l'escalade, puisque d'après les propos d'Abiy Ahmed, cette attaque ne peut pas rester sans réponse militaire, ce qui signifie que les armes vont encore détonner pour un certain temps. D'ailleurs, le gouvernement fédéral promet clairement "une riposte" qui ne peut être que militaire contre les éléments armés tenus pour responsables de l'attaque.

Pour le moment, avant des affrontements plus graves, c'est déjà la guerre médiatique avec des versions qui divergent.

Ainsi, le bureau du Premier ministre a accusé le FLPT d'avoir habillé ses soldats avec des uniformes semblables à ceux portés par l'armée érythréenne, afin "d'impliquer le gouvernement érythréen dans les fausses revendications d'agression contre le peuple du Tigré".

Alors que dans un communiqué, les autorités du Tigré affirment, quant à elle, que les gradés et les soldats du Commandement-Nord de l'armée éthiopienne, basé à Mekele, "ont décidé d'être aux côtés du peuple du Tigré et du gouvernement régional".

Pour le moment, nul ne sait exactement comment Addis-Abeba compte organiser sa "rispote". 

Selon toute vraisemblance, la prochaine étape sera une traque des assaillants par les forces fédérales, ce qui aura pour conséquence une aggravation de la tension avec les autorités du gouvernemental local du Tigré, actuellement dirigé par le FLPT.

Le problème des Tigrés, qui ne représentent que 6% de la population éthiopienne, n'est pas d'être marginalisés comme ils l'affirment, contrairement aux Oromos ou aux Amhara bien que ces derniers soient largement majoritaires. En effet, bien que largement minoritaire, l'élite tigrée a dirigé le pays depuis la fin de la guerre civile, jusqu'à l'élection de Abiy Ahmed au poste de Premier ministre, ce qui fut un tournant. Car, faut-il le rappeler, Abiy Ahmed est issu de l'ethnie Oromo qui regroupe jusqu'à 32,5% de la population, devançant légèrement en nombre les Amhara.

C'est sans doute ce changement majeur qui a exacerbé les tensions entre Mekele et Addis-Abeba, car visiblement certains Tigrés y ont vu une perte d'influence et une menace pour les privilèges que leur procurait leur appartenance ethnique.

Néanmoins, le fait déclencheur des tensions entre les autorités fédérales et celles du Tigré est le prolongement du mandat des députés et des élus locaux et le report des élections qui devaient avoir lieu en août dernier. Addis-Abeba évoque la pandémie du Covid-19, alors que Mekele y voit une manoeuvre du gouvernement fédéral pour maintenir l'équilibre actuel du pouvoir.

En tout cas, les derniers évènements montrent une rupture de confiance entre le gouvernement central et celui du Tigré et tous les ingrédients sont réunis pour que soit déclenchée une guerre civile.

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 04/11/2020 à 15h47, mis à jour le 04/11/2020 à 15h58