Cour pénale internationale: les Africains en ont déjà marre

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Le 12/07/2016 à 07h41

Après le camouflet de la poursuite de Uhuru Kenyatta, président kenyan, et l'humiliation à laquelle est soumis Gbagbo, plusieurs chefs d'Etat africains sont favorables au retrait de leur pays de la Cour pénale internationale (CPI). Une menace à prendre très au sérieux.

Depuis ce 10 juillet 2016, les réunions préparatoires pour le sommet de l'Union africaine prévu du 16 au 18 juillet à Kigali ont débuté. Parmi les points les plus débattus figure notamment le retrait des pays africains de la Cour pénale internationale, une mesure qui avait été adopté au début de l'année par l'Union africaine.De plus en plus de chefs d'Etat africains menacent de quitter la Cour pénale internationale. C'est Robert Mugabe, considéré par beaucoup d'observateurs occidentaux comme excentrique, qui l'a évoqué lors de son mandat en tant que président en exercice de l'Union Africaine. Même s'il n'est plus à la tête de ses pairs africains, l'idée n'est pas abandonnée pour autant.AcharnementIdriss Deby Itno, le chef de l'Etat tchadien, ayant remplacé Mugabe, en a remis une couche. En février dernier, il dénonçait la partialité de la Cour pénale internationale. Il y aurait "deux poids deux mesures". "C’est le constat que nous avons fait", avait-il déclaré sur les ondes d'une chaîne de radio internationale.Avant d'ajouter que "la CPI s’acharne beaucoup plus sur l’Afrique, sur les chefs d’Etat africains, dont certains en exercice, également des hommes politiques. Alors qu’ailleurs dans le monde beaucoup de choses se passent, beaucoup de violations des droits de l’homme flagrantes – je dis bien flagrantes-, mais personne n’est inquiété".Les chefs d'Etat africains sont courroucés par le traitement qui est réservé à leurs pairs. Il y a notamment le cas du président kenyan, Uhuru Kenyatta ainsi que son Premier ministre qui ont été convoqués par la CPI et contraints à se présenter. Finalement, le procès a pratiquement tourné à la farce. Le président du tribunal a déclaré un non lieu, sous prétexte qu'il y aurait trop de pression sur les témoins.Sentiment d'injusticeLe sentiment d'injustice est accentué par le fait que les dirigeants de beaucoup de pays échappent aux possibilités de poursuite. Certains n'iront jamais devant la CPI en tant qu'accusés parce que tout simplement leur pays n'a pas ratifié le protocole de Rome. C'est le cas par exemple des Etats-Unis, d'Israël, de la Russie qui ont, certes, signé la convention, mais ne l'ont jusqu'à présent pas ratifiée.D'autres ne seront jamais appelés à la barre aux Pays-Bas, pour la bonne et simple raison que leurs pays sont trop puissants. C'est le cas de Tony Blair qui est accusé par un rapport britannique récent d'avoir menti pour accompagner Georges Bush et entraîner le reste du monde dans la plus désastreuse guerre de ces 70 dernières années en Irak.Sur les 193 membres que compte l'ONU, seuls 123 ont adhéré à la convention de la CPI et 32 ne l'ont jusqu'à présent pas ratifiée. Donc près de la moitié des pays dont les citoyens sont exposés à d'éventuels poursuite sont africains. AllégationsÉvidemment, pour la procureure de la CPI, la gambienne Fatou Bensouda, ces accusations seraient fausses. Car pour elle, toutes les poursuites sont déclenchées sur la demande des gouvernements africains eux-mêmes, à savoir en Ouganda, en Centrafrique, en République démocratique du Congo (RDC), au Mali et en Côte d'Ivoire.Pour le cas ivoirien justement, les autorités de ce pays n'auront pas tardé à se rendre compte qu'elles sont allées trop vite en besogne. En témoigne la décision d'Alassane Ouattara de ne plus envoyer d'Ivoiriens devant la CPI. Beaucoup d'observateurs se demandent si l'humiliation dont Laurent Gbagbo et Blé Goudé sont sujets en valaient la peine. Est-ce qu'il ne faudrait pas les juger devant des juridictions ivoiriennes au lieu de les jeter en pâture à la CPI? Car, c'est bien cela dont il est question. Il faut rendre justice face aux atrocités dont peuvent se rendre coupables certains dirigeants dans l'exercice de leur fonction. De plus, chaque fois qu'un pays se déclare capable de juger ses ressortissants, la CPI est obligée de se dessaisir.Quoi qu'il en soit, les organisations africaines des droits de l'homme, mènent actuellement une campagne pour demander aux chefs d'Etat africains de revenir sur leur décision de janvier dernier. 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 12/07/2016 à 07h41