Afrique du Sud : Zuma sanctionné par les urnes

Mmusi Maimane, le jeune leader de l'Alliance sudafricaine a su faire trembler l'ANC

Mmusi Maimane, le jeune leader de l'Alliance sudafricaine a su faire trembler l'ANC. DR

Le 05/08/2016 à 12h41, mis à jour le 05/08/2016 à 18h05

Tout le monde le craignait et les premiers résultats le confirment. Les sud-africains se détournent de l’ANC. Le parti historique des noirs, a perdu plusieurs grandes villes et est au coude-à-coude avec DA, le principal parti d’opposition.

Kiosque le360 afrique: Ce que tout le monde craignait, lors de ce scrutin municipal, arriva. L’African national congress (ANC) en premier, perd Madela Bay et reconnait aussi avoir perdu Prétoria. Un tournant historique.

Les résultats montrent que le doute était justifié. Le parti historique des Africains a réussi à conserver plus de la moitié des 278 municipalités qui étaient disputées dans ces élections. Néanmoins, avec 54%, contre 62% en 2011, le revers est certain. C’est la plus faible performance depuis 1994, quand Nelson Mandela était élu premier président noir du pays. Au passage, l’ANC perd plusieurs grandes villes, dont la capitale Pretoria. 

Recul dans les grandes villes

Le parti de Jacob Zuma, le président controversé et qui était poursuivi pour corruption, a reconnu sa défaite à Mandela Bay, qui comprend notamment Port Elisabeth, Tchwane, mais surtout Pretoria, capitale administrative et Johannesburg, principal pôle économique.

L’Alliance démocratique, considérée jusqu’à une date récente comme un parti de blancs, a réussi a monté son score à Mandela Bay, jusqu’à 47% des votes, remportant cette grande localité. A Tshwame et Johannesburg, néanmoins, les choses ne sont pas encore claires, dans la matinée du vendredi 5 août. Les craintes étaient justifiées, mais beaucoup sont surpris par l’ampleur de ce retournement de tendance de l’électorat sud-africain.

Trop d’écarts de l’ANC

En réalité, il s’agit avant tout d’un vote sanction. Les dirigeants de l’ANC semblent usés par la pouvoir. Le bilan est catastrophique. Une bonne partie de la population noire est déçue par les 22 ans de pouvoirs de l’ANC qui n’a pas réussi à réduire significativement les inégalités et à réduire le taux de chômage qui atteint une moyenne de 27%. Il s’y ajoute les scandales à répétition de certains dirigeants de l’ANC, qui passent mal chez les laissés-pour-compte. Les syndicats et les populations ne se gênent plus de le montrer à travers de fréquentes manifestations. Les électeurs n’ont certainement pas oublié la grève des mineurs de Marikana où 34 ouvriers avaient été tués, le 16 août 2012. Il s’agit du premier massacre post appartheid et pour avoir un pareil bilan, il faut remonter aux années 1960.

Des partenaires affaiblis

Dans ces malheureux évènements, des responsables de l’ANC sont directement cités. En effet, Cyril Ramaphosa, devenu vice-président de l'ANC en décembre 2012, puis vice-président de l'Afrique du Sud après les élections de mai 2014, était à l’époque l’un des principaux actionnaires de la compagnie minière Lonmin.

Quoi qu’il en soit, ce massacre a affaibli l’ANC, de même que ses alliés traditionnels auprès de la classe ouvrière, à savoir la fédération syndicale la Cosatu ou encore les communistes de SACP. La jeunesse du parti, dont est d’ailleurs issu Mmusi Maimane, le leader de la DA, ne draine plus les foules. Beaucoup de jeunes électeurs sud-africains nés dans les années 1990 et qui ont entre 20 et 26 ans, ne connaissent l’apartheid qu’à travers les livres. Ils sont moins sensibles à l’ancien discours que pouvait tenir un Mandela et que continue de professer Jacob Zuma.

D’ailleurs, le président sud-africain lui-même est un problème. Il est devenu impopulaire et les électeurs lui reprochent ses démêlés avec la justice, sa maison rénovée au coup de plusieurs millions de dollars d’argent public. Le Parlement lui a demandé de ne rembourser que 500.000 dollars de toute la somme due.

Mmusi Maimane a su surfer sur la vague

Dans le même temps, l’Alliance démocratique, formation de centre droit, a adopté une stratégie qui s’est avérée payante. En effet, son score est passé de 24% en 2011 à quelque 26,5%. Son jeune leader noir, Mmusi Maimane, très bon orateur a su surfer sur la vague : "les sud-africains sont mécontents de Zuma et de l’ANC, alors c’est l’occasion de recruter des électeurs noirs".

De sorte qu’en fin de campagne, il était assuré d’avoir convaincu suffisamment de personnes issues notamment de la classe moyenne urbaine. A 36 ans, cet originaire de Soweto n’a pas hésité à descendre le bilan relativement modeste des édiles de plusieurs villes. Aujourd’hui, la seule grande ville qui revenait à la DA a été de nouveau remportée avec 66% des voix.

Dans ce jeu entre ANC et DA, il y a un outsider dont le poids va peser lourd pour départager les deux mastodontes. Il s’agit de l’EEF, de Julius Malema, lui aussi issu de la jeunesse du parti. En effet, il remporté quelques 8% à l’échelle nationale contre 6,4% lors des élections générales de 2014. Mais, ce n’est pas exclu qu’il s’allie à la droite, car Julius Malema est loin d’être en odeur de sainteté avec l’ANC. Son bureau politique a d’ailleurs clairement affirmé qu’aucune alliance avec l’ANC n’est envisageable. Ce serait donc un mariage contre-nature avec les libéraux de la DA. Faut-il le rappeler, le programme de l’EEF, de gauche par excellence, parle de nationalisation des mines

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 05/08/2016 à 12h41, mis à jour le 05/08/2016 à 18h05