Des violences et des pillages ont été enregistrés ce lundi à Kinshasa. On déplore plusieurs morts. "Deux policiers ont été tués" dans l'attaque d'une permanence du parti présidentiel à Limete (centre-ouest de la capitale de la République démocratique du Congo), a déclaré à l'AFP Lambert Mende, porte-parole du gouvernement congolais.
A la suite de ces violences, "on a annulé la manifestation", a-t-il ajouté.
Une religieuse catholique a déclaré à l'AFP avoir vu "brûler vif" un policier commis à la garde de cette permanence politique.
Du côté de l'opposition, "nous enregistrons plusieurs morts", a déclaré à l'AFP Bruno Tshibala, porte-parole de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), affirmant avoir vu quatre cadavres "amenés au siège" d'une formation alliée.
Réuni autour d'Étienne Tshisekedi, le fondateur de l'UDPS,un "Rassemblement" des principaux partis d'opposition a appelé à manifester lundi dans tout le Congo pour signifier au président Joseph Kabila son "préavis", trois mois avant l'expiration de son mandat, le 20 décembre, et exiger la convocation de la présidentielle avant cette date.
A Kinshasa, la manifestation devait commencer à 13h00 (12h00 GMT), mais plusieurs heurts ont opposé des jeunes armés de pierres à la police antiémeutes dans la matinée à Limete, quartier où l'UDPS a son siège.
Les autorités ont dénoncé plusieurs pillages et incendies criminels ayant visé des permanences de formations politiques de la majorité.
"Il y a eu des pillages ciblés", a déclaré M. Mende, "il y a des gens qui se sont préparés pour faire tout ce désordre", a déclaré M. Mende, accusant l'UDPS, principal parti de l'opposition, d'être à l'origine de la violence.
Villes mortes
Très véhéments, des groupes de quelques dizaines à plusieurs centaines de jeunes ont affronté des policiers antiémeutes en lançant en français ou en lingala des "Kabila akende" (Kabila dégage !) ou "Kabila doit partir".
A Limete et près du Palais du Peuple (Parlement), la police a répliqué aux jets de pierre à coup de grenades lacrymogènes.
Un photographe de l'AFP et une journaliste de RFI qui couvraient ces événements ont été interpellés à la mi-journée par la police militaire. Les autorités congolaises ont assuré qu'ils seraient libérés rapidement, mais les deux reporters n'avaient pas recouvré leur liberté à 15h30 (14h30 GMT).
Selon des sources de sécurité privées, il y a eu quelques pillages épars dans des quartiers sud de la capitale ayant visé des agences bancaires ou des magasins tenus par des Chinois. De source diplomatique, on signalait des échauffourées en "divers endroits" dans ces zones.
Le calme semblait revenir en milieu d'après-midi alors que le ministre de l'Intérieur, Evariste Boshab s'apprêtait à donner une conférence de presse.
Arrivé au pouvoir en 2001 après l'assassinat de son père Laurent-Désiré Kabila, M. Kabila est âgé de 45 ans. La Constitution congolaise lui interdit de se représenter mais il ne donne aucun signe de vouloir quitter le pouvoir.
Alors que la présidentielle apparaît impossible à tenir dans les temps, le "Rassemblement" constitué autour de M. Tshisekedi refuse le "dialogue national" en cours à Kinshasa entre la majorité et une partie de l'opposition.
Ce forum est censé déboucher sur un "accord politique" de sortie de crise et ouvrir la voie à des élections "apaisées" mais retardées.
Il devait s'achever samedi, mais les négociateurs ne sont pas encore parvenus à s'entendre sur tous les points à l'ordre du jour, et le travail sur le calendrier des élections devait reprendre lundi à Kinshasa.
Habituée aux violences à caractère politique, Kinshasa avait des airs de ville morte lundi. Dans plusieurs quartiers, les écoles étaient désertées par les élèves, les parents préférant les garder à la maison. De nombreuses boutiques étaient fermées, la circulation était presque inexistante. Faute de clients, quelques taxis (peu nombreux) cassaient leur prix.
Une atmosphère semblable régnait à Lubumbashi, la deuxième ville du pays, dans le sud-est, où des soldats sont venus renforcer en masse la police autour des principaux bâtiments publics et dans les quartiers réputés acquis à l'opposition.
A Bukavu, dans l'est du pays, quelque 300 personnes manifestaient à la mi-journée pour demander le "respect de la Constitution" avec des urnes en toile pour dire que la tenue de la présidentielle dans le délai est encore possible, selon le correspondant local de l'AFP.