Egypte-Arabie Saoudite: vive tension entre alliés stratégiques

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Le 12/10/2016 à 12h55, mis à jour le 12/10/2016 à 16h12

Revue de presseEntre l'Egypte et l'Arabie Saoudite, la tension monte. Les deux pays, présentés comme des alliés, ont de sérieuses divergences sur la question syrienne. Le fait que l'Egypte ait voté en faveur de la résolution russe au Conseil de sécurité a mis le feu aux poudres.

Kiosque Le360 Afrique. Après l’entente, après l’idylle presque, les deux pays traversent de vives tensions, selon le Daily News Of Egypt. Les divergences qui étaient jusqu’ici assez légères ont franchi un nouveau cap, lorsque samedi dernier 8 octobre dernier, à l’ONU, l’Egypte a voté en faveur d’une résolution déposée par la Russie concernant la Syrie. L’Arabie Saoudite avait également décidé de suspendre ses livraisons de produits pétroliers pour le mois d'octobre, coupant l’Egypte d’une source d’approvisionnement vitale.

Officiellement, le saoudien Aramco affirme avoir des problèmes et n'est pas en mesure de fournir les 700.000 tonnes prévues par mois. Les deux pays sont pourtant liés par un accord portant sur 20 milliards de dollars pour une durée de 5 ans et pour cette quantité mensuelle. A part l'Egypte, aucun pays n'a vu ses approvisionnement interrompus. Ce qui fait dire aux analystes qu'il s'agit plutôt d'une sanction prise pour des raisons politiques. 

Une alliance pas tout à fait stratégique

Pour l’analyste en géopolitique égyptien Abdallah Al Sinawi, "l’alliance stratégique dont on parle toujours entre l’Arabie Saoudite et l’Egypte ne correspond pas tout à fait à la réalité des relations entre les deux pays".

Il est vrai que Ryad est l’un des meilleurs soutiens du président Abdelfattah Al Sissi depuis le renversement de l’islamiste Mohamed Morsi en 2013. Il n’en demeure pas moins qu’il ne partage pas avec Le Caire sa vision sur la manière de régler le conflit syrien. Ryad voudrait bien que Bachar Al Assad soit renversé par l’opposition ou bien qu’il y ait une solution qui n’inclut par l’actuel président syrien. Alors que l’Egypte semble plutôt être favorable à l’idée russe d’une solution qui écraserait toute forme de rébellion. "Une alliance stratégique veut dire une entente dans les dossiers régionaux. Mais ce n’est pas le cas pour la Syrie et le Yemen", affirme Abdallah Al Sinawi. 

Sissi ne perçoit pas l'Iran comme une menace

En réalité, l’attitude d’Al Sissi tranche bien avec celle du gouvernement saoudien qui veut coûte que coûte se débarrasser des chiites et affaiblir l’Iran. Le président égyptien ne perçoit pas l’Iran comme une menace, estime Jamal Khashoggi, journaliste et analyste saoudien. Et d’ajouter : "l'Arabie saoudite a toléré la position égyptienne encore et encore, mais le vote à l'ONU a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase". Les dirigeants saoudiens ont piqué une colère bleue, estimant même avoir été poignardés dans le dos par l’Egypte qu’ils soutiennent, y compris financièrement. 

"Le Sénégal plus proche des Arabes que l'Egypte"

Sur la chaîne Al Jazeera, Abdallah al-Mouallimi, ambassadeur d’Arabie Saoudite à l’ONU a déclaré qu'il était "pénible que les Sénégalais et les Malaisiens aient des positions plus proches du consensus arabe, que celle du représentant arabe".

Pourtant l’Egypte est bien aux côtés de l’Arabie saoudite au Yémen, dans la coalition qui affronte les Houthis soutenus, eux, par l’Iran. Officiellement, l’Egypte serait disposée à engager des troupes au sol. Mais en coulisses, certains affirment que cet engagement serait fait du bout des lèvres. Le pays a encore en mémoire l’intervention ordonnée par Gamal Abdel Nasser dans les années 1960 et qui s’était soldé par un échec. Al Sinawi parle de Vietnam Egyptien.

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 12/10/2016 à 12h55, mis à jour le 12/10/2016 à 16h12