Comme on s’y attendait, les partis politiques qui participent au «dialogue national» ont validé lors d'une séance plénière à Kinshasa, le report de la présidentielle à avril 2018. Cet accord prévoit de maintenir dans ses fonctions jusqu'à cette date Kabila, dont le mandat s'achève en décembre et à qui la Constitution interdit de se représenter.
Les parties sont convenues que "les élections présidentielle, législatives et provinciales [seraient organisées] dans un délai de 6 mois [à compter de la] convocation des scrutins le 30 octobre 2017", a indiqué l'ex-Premier ministre togolais Edem Kodjo, facilitateur du "dialogue national" dans un communiqué.
"La présidentielle aura lieu le 29 avril 2018", en a conclu Vital Kamerhe, co-modérateur du "dialogue politique national inclusif" pour le compte de la frange minoritaire de l'opposition ayant décidé de participer au "dialogue national".
Ramazani Shadari, président du groupe parlementaire du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), la formation de M. Kabila, a fait une interprétation similaire : "La date des élections, c'est en avril 2018", a-t-il dit à l'AFP, sans être aussi précis que Kamerhe.
Le "Rassemblement", constitué en juin par la majeure partie de l'opposition, a refusé de participer au "dialogue national", y voyant une manœuvre en vue d'une présidence à vie de M. Kabila, au pouvoir depuis 2001.
Le Rassemblement, qui exige son départ au terme de son mandat le 20 décembre, avait fait savoir par avance qu'il ne se sentait pas concerné par les résolutions qui pourraient sortir de ce forum. Il a appelé à des journées "villes mortes" mercredi dans toute la RDC afin d'adresser un "carton jaune" au chef de l’État.
L'accord prévoit la constitution rapide d'un nouveau gouvernement, dont la tête devrait revenir à une personnalité de l'opposition. Kamerhe, ancien directeur de campagne de Kabila lors de la présidentielle de 2006 et chassé de la majorité en 2008 alors qu'il était président de l'Assemblée nationale, fait figure de favori pour le poste de Premier ministre.
La RDC traverse une crise politique depuis la réélection contestée de Kabila en 2011 à l'issue d'un scrutin marqué par des fraudes massives. Celle-ci est exacerbée par l'incapacité des autorités - volontaire, selon les détracteurs du chef de l’État - à organiser la présidentielle avant la fin de l'année.
L'UE menace de sanctions
L'absence de la majeure partie de l'opposition au "dialogue national" fait peser le doute sur la capacité de l'accord forgé après plus de six semaines de négociations laborieuses à réellement sortir le pays de la crise.
Autre absente de poids à la conclusion du dialogue, l’Église catholique s'était retirée de ce forum afin "de rechercher un consensus plus large", après les violences ayant fait en septembre une cinquantaine de morts en deux jours de contestation du président Kabila. Elle n'y est pas parvenue.
Au-delà de son rôle spirituel, l'Église catholique, dont se revendiquent environ 40% des Congolais, est respectée en RDC pour le rôle déterminant qu'elle a joué dans l'ouverture démocratique des années 1990.
L'accord ne dit pas expressément que Kabila ne sera pas candidat à la fin de son mandat, comme le demandaient les évêques de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) : il dit que les participants ont pris "l'engagement ferme de respecter la Constitution", a indiqué Kamerhe.
Kabila n'a pas participé à ces travaux, mais pourrait assister mardi à la cérémonie de signature de l'accord.
Lundi, les ministres des Affaires étrangères des 28 pays de l'Union européenne, l'un des principaux bailleurs de fonds étrangers en RDC, ont appelé de leurs vœux un "dialogue politique substantiel, inclusif, impartial et transparent" en RDC. Ils ont menacé de prendre des sanctions contre Kinshasa dans le cas où la présidentielle ne serait pas organisée "dans le délai le plus court possible au cours de l'année 2017".
Des représentants de la procureure de la Cour pénale internationale (CPI) sont depuis dimanche en RDC pour appeler au calme et rencontrer des représentants officiels, des membres de partis politiques, la société civile et la presse.