RD Congo: l'appel "villes mortes" diversement suivi

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Le 19/10/2016 à 12h59

L'appel de l'opposition congolaise à une journée "villes mortes" pour exiger le départ du président Joseph Kabila en décembre prochain était diversement suivi mercredi matin en République démocratique du Congo. Pour certains il faut nourrir la famille.

Le mot d'ordre de "carton jaune" au chef de l’État lancé par le Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement était largement suivi à Kinshasa, mais ignoré à Lubumbashi, la deuxième ville du pays. A Kinshasa, les rues étaient dans l'ensemble désertes vers 09H00 (08H00 GMT). Les transports en commun publics circulaient à vide ou presque alors que les minibus privés "207" étaient invisibles et la circulation en général pratiquement inexistante.

La quasi-totalité des boutiques étaient fermées et la seule activité visible était celle des "mama ya mapa", vendeuses qui arpentent les rues avec une bassine chargée de pains sur la tête, et des stations-services, ouvertes, mais sans clients. Les hordes d'écoliers en uniformes bleu et blanc ont disparu et la mégapole de quelque dix millions d'habitants normalement grouillante et bruyante semblait comme frappée de torpeur. Un important déploiement policier et militaire était visible autour du Palais du peuple (Parlement) et dans plusieurs "quartiers chauds".

Fonctionnaires sous la menace de sanctios

A Lubumbashi, fief de l'opposant en exil Moïse Katumbi - une des têtes du Rassemblement - dans le sud-est du pays, l'activité était normale. Lundi et mardi, les autorités ont exhorté sur les médias publics locaux "la population à vaquer normalement à ses occupations", avertissant que les fonctionnaires qui ne viendraient pas travailler mercredi seraient sanctionnés.

"La politique de villes mortes au Congo ne peut pas marcher car nous vivons au jour le jour", a déclaré à l'AFP Kyungu Kabulo, cambiste indépendant, en rappelant le lot quotidien d'une population largement sans ressources dans un des pays les moins développés de la planète.

Il faut bien gagner son pain

"Je suis d'accord avec les opposants", mais "j'ai une famille nombreuse à nourrir", a-t-il ajouté, "les dirigeants du Rassemblement qui nous demandent de rester à la maison, eux ils ont de l'argent, de quoi manger et leurs enfants sont en Europe". Large coalition politique, le Rassemblement s'est constitué en juin autour de la figure de l'opposant Étienne Tshisekedi, président fondateur de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS).

Lors de sa dernière mobilisation contre le pouvoir, 49 civils et 4 policiers ont été tués, selon l'ONU, les 19 et 20 septembre à Kinshasa dans des violences dont les autorités et la coalition d'opposition se renvoient mutuellement la responsabilité. Le mandat du chef de l’État, au pouvoir depuis 2001, expire le 20 décembre et la Constitution lui interdit de se représenter.

Mardi, la majorité et une frange minoritaire de l'opposition ont signé un accord à l'issue de pourparlers qualifiés de "dialogue national" renvoyant l'élection présidentielle à avril 2018 et le maintien de M. Kabila à son poste jusqu'à la prise de fonctions de son successeur.

Bukavu et Goma en ordre dispersé

L'UDPS a rejeté cet accord qui, selon elle "impose unilatéralement (à la tête de l’État) M. Kabila en violation flagrante de la Constitution" et a appelé à un "dialogue réellement inclusif" pour sortir le pays de la crise politique qu'elle traverse depuis la réélection contestée de M. Kabila en 2011 lors d'un scrutin marqué par des fraudes massives.

Dans l'est du pays, la ville de Bukavu, sur la rive sud du lac Kivu, a totalement ignoré l'appel du Rassemblement, selon le correspondant local de l'AFP. Bukavu est le fief de Vital Kamerhe, un des dirigeants d'opposition à avoir participé au "dialogue national" et qui fait figure de favori pour prendre la tête du nouveau gouvernement devant être constitué dans les semaines qui viennent.

A Goma, ville jumelle de Bukavu sur la rive nord du lac, le mot d'ordre de "ville morte" était diversement suivi, selon deux journalistes de l'AFP sur place. La circulation était normale mais la majorité des boutiques était fermée vers 10H00 (08H00 GMT).

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 19/10/2016 à 12h59