Kenya-Sud Soudan: Nairobi ne veut plus des rebelles de Riek Machar

Salva Kiir (à droite), président de la République du Souan du Sud et Riek Machar, son vice-président, lors des retrouvailles d'avril dernier.

Salva Kiir (à droite), président de la République du Souan du Sud et Riek Machar, son vice-président, lors des retrouvailles d'avril dernier.

Le 04/11/2016 à 19h12

L'expulsion par le Kenya d'un représentant de Riek Machar vers le Soudan du Sud suscite l'inquiétude de l'opposition sud-soudanaise à un moment où plusieurs pays de la région semblent prendre leurs distances avec le chef rebelle et ancien vice-président exilé.

James Gatdet Dak, un porte-parole de M. Machar, a été arrêté mercredi à son domicile de Nairobi et conduit à l'aéroport d'où il a été expulsé jeudi vers Juba et immédiatement placé en détention par les autorités sud-soudanaises, a assuré un porte-parole des rebelles sud-soudanais, Nyarji Roman. Riek Machar "a immédiatement contacté les autorités kényanes", a déclaré M. Roman dans un communiqué. "Au cours d'une conversation téléphonique avec le vice-président William Ruto, il a plaidé pour que James Gatdet Dak ne soit pas expulsé vers Juba en raison de profondes inquiétudes pour sa vie".

L'expulsion de James Gatdet Dak a été confirmée à l'AFP par un officiel kényan, sous couvert d'anonymat, mais aucune explication n'a été donnée sur les raisons de cette expulsion. A Juba, le porte-parole du président Salva Kiir, Ateny Wek Ateny, a confirmé à l'AFP la présence de M. Gatdet au Soudan du Sud, sans fournir plus de détails. "En agissant de concert avec le Soudan du Sud et en déportant James Gatdet Dak, le Kenya l'a exposé à des risques graves de persécution", a lui réagi Gerry Simpson, chargé de la question des réfugiés à l'ONG Human Rights Watch (HRW).

Juste avant son arrestation, James Gatdet Dak s'était félicité du "changement de commandement de la force onusienne de la Minuss au Soudan du Sud", en référence au limogeage mardi par l'ONU du général kényan en charge des Casques bleus dans le pays. Le général Johnson Ondieki a été limogé pour sanctionner l'inaction des Casques bleus lors de violences de juillet à Juba entre troupes gouvernementales et rebelles. Cette décision de l'ONU a rendu furieuses les autorités kényanes.

Selon M. Roman, même une intervention du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) à Nairobi n'a pas permis d'empêcher l'expulsion de M. Gatdet, qualifiée de "violation de la convention de Genève". Le gouvernement kényan est l'un des garants de l'accord de paix signé en 2015 et nous ne nous attendons pas à ce qu'il mette en danger la vie d'un innocent", a ajouté M. Roman.

Pas le bienvenu

Le HCR assure "suivre la situation". "Cette personne doit voir ses droits respectés et son bien-être garanti par le gouvernement", a estimé Cécile Pouilly, une porte-parole du HCR à Genève. Dans un courrier adressé au secrétaire général de l'ONU Ban Ki-Moon, le représentant de Riek Machar aux Nations unies juge que l'attitude du Kenya pourrait "mettre en danger les travailleurs humanitaires kényans" dans les zones contrôlées par les rebelles au Soudan du Sud.

Riek Machar a fui son pays après les combats de juillet à Juba, et se trouve actuellement en Afrique du Sud. Il a appelé à une nouvelle "résistance populaire armée". La désignation de Riek Machar au poste de vice-président était l'un des points-clés du fragile accord de paix signé en août 2015 avec M. Kiir pour mettre fin à la guerre civile débutée en décembre 2013.

Mais depuis sa fuite, les parrains du processus de paix semblent prendre leurs distances avec M. Machar et ses partisans. Selon la radio sud-soudanaise Tamazuj, une délégation de parlementaires kényans a achevé vendredi une visite au Soudan du Sud au cours de laquelle ils ont fait part de la volonté du Kenya de prendre des sanctions contre le camp Machar.

"Nous découragerons quiconque essaye de se servir de notre pays comme tremplin pour lancer une guerre", a déclaré jeudi Asman Kamama, président du Comité parlementaire pour la Sécurité nationale, cité par cette radio. Au mois de septembre, le Premier ministre Hailemariam avait fait savoir que Riek Machar n'est plus le bienvenu à Addis Abeba, où il résidait pendant les négociations de paix. "Nous n'avons pas besoin de quelqu'un qui mène une lutte armée en Ethiopie". Marqué par de nombreux viols et meurtres, ce conflit politico-ethnique a fait des dizaines de milliers de morts et plus de 2,5 millions de déplacés, dont quelque 250.000 ont quitté le pays depuis les combats de juillet.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 04/11/2016 à 19h12