Egypte-Arabie saoudite: les sept différends à aplanir

El-Sissi, président d'Egypte, et Selmane bin Abdelaziz, roi d'Arabie saoudite.

El-Sissi, président d'Egypte, et Selmane bin Abdelaziz, roi d'Arabie saoudite.. DR

Le 24/04/2017 à 13h51, mis à jour le 24/04/2017 à 16h51

Revue de presseLe président égyptien était dimanche 23 avril en Arabie saoudite sur invitation du roi Selmane bin Abdelaziz. Une occasion pour les deux pays d’aplanir leurs différends.

Kiosque le360 Afrique. Est-ce enfin le grand dégel entre l’Arabie saoudite et l’Egypte, en brouille depuis plusieurs mois? L’invitation du roi Selmane bin Abdelaziz faite au président Abdel Fattah Al-Sissi, suite à la rencontre des deux dirigeants au sommet de la Ligue arabe en Jordanie, vise, selon egyptindependent.com, à dépasser la mésentente qui porte sur au moins 7 épineuses questions.

- La guerre en Syrie

Depuis que Al-Sissi est au pouvoir, le pays des pharaons s’est rangé du côté du régime syrien qualifiant les groupes rebelles, toutes obédiences confondues, de «terroristes». Or, l’Arabie saoudite, dans le cadre d’une solidarité sunnite, est un des plus fervents soutiens aux groupes opposés au régime d’Al Assad. Et le vote de l’Egypte en faveur de la résolution russe présentée au Conseil de sécurité des Nations unies en 2016 demandant à la communauté internationale de sanctionner les groupes d’opposition et les groupes terroristes dont Fatah el-Sham avait mis les Saoudiens et les Qataris en colère. Le représentant saoudien à l’ONU avait même qualifié la position égyptienne de «douloureuse». A la suite de cette tension, l’Arabie saoudite avait suspendu ses livraisons de pétrole à l’Egypte.

- La guerre au Yémen

Le déclenchement de la guerre contre le Yémen par une coalition des forces des pays arabes du Golfe avec le soutien d’autres pays musulmans et menée par l’Arabie saoudite s’est fait sans l’accord de l’Egypte. Cette dernière s’est refusée à tout engagement clair dans cette guerre conduite par l’Arabie saoudite préférant le recours au dialogue pour parvenir à un règlement politique à la crise yéménite entre le président légitime Abdel Hadi Mansour et les insurgés soutenus par l’Iran. Cette position égyptienne a été mal perçue voire fort peu appréciée par l’Arabie saoudite.

- La question libyenne

Après la liquidation de Muammar Kadhafi lors de l’insurrection de février 2011, l’Egypte, craignant que la tension en Libye ne déborde sur son territoire, a soutenu l’armée nationale en Libye contre les groupes terroristes, notamment l’Etat islamique. L’objectif de l’Egypte était de liquider tout groupuscule terroriste sur le territoire libyen afin d’éviter toute contagion. Or, certains de ces groupuscules sont soutenus par les pays du Golfe dont l’Arabie saoudite. L’Egypte accorde aujourd’hui son soutien au maréchal Haftar qui combat les islamistes soutenus par les Saoudiens et le régime de Tripoli.

- Les craintes d’un axe Le Caire-Téhéran

Bien que les relations diplomatiques entre l’Egypte et l’Iran ne soient pas rétablies, l’Arabie saoudite craint toujours un éventuel rapprochement entre les deux pays. Pour les Saoudiens, l’Egypte doit rejoindre et aider les pays sunnites à affronter les menaces que représentent l’Iran et le chiisme au niveau du Moyen-Orient. Le comportement modéré de l’Egypte vis-à-vis de l’Iran est une source d’inquiétude pour les Saoudiens.

- Le barrage de la Grande Renaissance en l’Ethiopie

Fin 2016, Ahmad al-Khatib, ex-ministre saoudien de la Santé, nommé actuellement chef de la Commission loisirs et culture, a visité le barrage de la Renaissance en Ethiopie. Or, l’Egypte a toujours montré son hostilité à la construction de cet imposant barrage en terre éthiopienne du fait de son impact sur le débit du Nil au pays des pharaons. Cette visite a été très décriée par la presse égyptienne qui n’a pas manqué de souligner l’«impasse politique» entre l’Egypte et l’Arabie saoudite, avançant que cette visite était une réponse à la position égyptienne sur le conflit syrien.

- La problématique des îles de la mer Rouge

Les îles de Tiran et de Sanafir constituent des points de discorde entre l’Arabie saoudite et l’Egypte. Pour rappel, en avril 2016, lors d’une visite du roi Salman en Egypte, les deux pays avaient signé un accord stipulant la cession des deux îles à l’Arabie saoudite.

Toutefois, l’accord a été invalidé par les tribunaux égyptiens dont le Conseil d’Etat et la Haute cour constitutionnelle. Toutefois, l’Arabie saoudite tient toujours à l’accord de cession de ces deux îles de la mer Rouge et les discussions se poursuivent sur ce dossier devenu sensible en Egypte.

- La guerre des médias

Depuis la crise liée à la résolution russe présentée au Conseil de sécurité des Nations unies en 2016, les médias des deux pays ont pris le relais. Ceux d’Egypte n’ont cessé d’accuser les dirigeants saoudiens de vouloir forcer la main à l’Egypte sur le dossier syrien. La suspension par Aramco de la livraison de pétrole à l’Egypte, en octobre, a envenimé davantage les tensions au niveau des médias avec des sorties critiques de personnalités politiques et d'intellectuels.

Toutefois, depuis mars dernier, à la faveur d’une rencontre entre le président Al-Sissi et le roi Bin Salman lors du sommet de la Ligue arabe en Jordanie, les deux dirigeants se sont engagés à aplanir les tensions invitant les médias des deux pays à la retenue.

Reste à savoir si la visite du président Al-Sissi en Arabie saoudite sur invitation du roi Salman permettra d’éliminer totalement les sources de tensions. Ce n’est pas certain. La Syrie et la question des deux îlots pourraient encore envenimer les relations entre les deux pays.

Par Karim Zeidane
Le 24/04/2017 à 13h51, mis à jour le 24/04/2017 à 16h51