Supermarchés pris d'assaut par des clients soucieux de faire des stocks, station de bus longue distance bondée dès les premières heures de la matinée: devant l'incertitude des élections générales de mardi, de nombreux Kényans ont choisi de ne rien laisser à la chance.
La hantise de troubles accompagne chaque élection au Kenya. Mais le duel serré entre le président sortant Uhuru Kenyatta et le leader de l'opposition Raila Odinga, qui à 72 ans dispute probablement sa dernière présidentielle, a exacerbé les craintes de violences électorales.
"Vous ne pouvez pas prédire ce que la situation va être", estime Ezekiel Odhiambo, qui parle à l'AFP après avoir fait monter ses cinq filles dans un bus qui les emmènera dans sa région d'origine, dans l'ouest du pays.
Et l'annonce du déploiement de quelque 180.000 membres des forces de sécurité pour s'assurer que le vote se déroule en paix n'est pas forcément de nature à rassurer tout le monde.
Ces élections ont lieu dix ans après les violences politico-ethniques de 2007-2008, les pires depuis l'indépendance en 1963, qui avaient fait au moins 1.100 morts et plus de 600.000 déplacés.
La répression policière sans merci contre des manifestants de l'opposition qui criaient à la fraude avait compté pour environ 40% des victimes.
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Editar Ochieng, une habitante du bidonville de Kibera, à Nairobi, où de violents affrontements avaient alors eu lieu, a elle aussi envoyé ses filles à l'extérieur pour la durée des élections.
"Je ne veux pas jouer un pari à 50-50. Je veux être sûre", explique-t-elle.
'Ils doivent voter ici'
A la station de bus Machakos de Nairobi, les compagnies ont plus que doublé le prix des tickets sur certaines routes. Mais cela n'a pas empêché la demande d'augmenter fortement, des queues de clients se formant avant l'aube chaque matin pour prendre un bus allant vers l'ouest, bastion de l'opposition.
Il est courant pour les Kényans de voter dans leur région d'origine, en partie pour se sentir en sécurité. Mais nombre de provinciaux travaillant à Nairobi sont enregistrés dans la capitale, après y avoir été fortement encouragés par les deux camps qui ont fait du gouvernorat de Nairobi, actuellement dirigé par l'opposition, une des batailles de ces élections.
Récemment, un responsable de la coalition d'opposition National Super Alliance (Nasa), a demandé aux agents de la station de bus de vérifier où étaient inscrits les gens qui partaient, selon un de ces agents, Lary Taja.
Si les gens sont inscrits à la campagne, ils sont autorisés à partir. Sinon, ils doivent rester. "Nous les examinons et quand on découvre qu'ils doivent voter ici (à Nairobi), nous leur demandons de rester et voter, et de rentrer chez eux plus tard", explique un chauffeur de bus, Chelule Julius.
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Le chef de la police et le ministère de l'Intérieur ont tenté de rassurer les Kényans. Mais les gens prennent tout de même la route, ou remplissent leur garde-manger.
"Il y a une frénésie en ce moment", confirme Hanif Rajan, le directeur des opérations de la chaîne de supermarchés Chandarana. Il y a cinq mois, il avait passé des commandes supplémentaires pour des produits essentiels tels que l'eau, le riz, des piles en prévision de la ruée d'avant élection.
"Les gens espèrent le meilleur, mais se préparent au pire", résume Peter Wairimu, qui travaille dans une station-service de Nairobi.
'Prophètes de malheur'
Les entreprises ont également pris leurs précautions. Selon la presse locale, elles ont conseillé à leurs employés de rassembler leurs proches, de faire des provisions et de garder sous la main le numéro de téléphone d'un docteur.
Les deux candidats à l'élection présidentielle sont des visages très familiers des Kényans.
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Uhuru Kenyatta, fils du père de l'indépendance Jomo Kenyatta, est président depuis 2013 et brigue un second mandat de cinq ans. Opposant de longue date, Raila Odinga estime s'être fait voler la victoire en 2007 et avait contesté les résultats en 2013.
Lors de la campagne, ils ont veillé à ne pas tenir de propos trop incendiaires. La conséquence peut-être, selon les observateurs, de l'inculpation par la Cour pénale internationale (CPI) dont avaient fait l'objet Kenyatta et le vice-président William Ruto pour leur rôle supposé dans les violences de 2007-2008. Les poursuites avaient ensuite été abandonnées.
Les électeurs n'en restent pas moins nerveux. Des tracts contenant des messages de haine ont circulé, les deux candidats ont accusé leur adversaire de pratiques déloyales et chacun considère que la victoire ne peut que lui revenir.
Toutefois, tout le monde ne cède pas à l'anxiété ambiante. "Je ne suis pas inquiet. Les prophètes de malheur seront toujours là", confie Rajan, qui prévoit que l'élection sera calme.