Afrique: Bouteflika, Zuma et les autres ont-ils appris la leçon Mugabe?

Le 22/11/2017 à 09h25, mis à jour le 22/11/2017 à 09h49

Robert Mugabe a fait une semaine de plus que ce que suggérait le bon sens. Il s'est entêté et a refusé l'évidence, comme l'avaient fait avant lui Ben Ali en Tunisie, Compaoré au Burkina Faso ou Moubarak en Egypte. Les Bouteflika et autres Biya et Nguema ont-ils assimilé la leçon?

Jusqu'au bout, Robert Mugabe a voulu tenir tête aussi bien à l’armée qu'aux vétérans de la guerre d’indépendance, à la rue zimbabwéenne et même à son propre parti, la Zanu PF, qui l'a finalement démis de ses fonctions de secrétaire général. Certes, l’homme qui a affronté les Anglais et les a chassés de l’ancienne Rhodésie du Sud, au terme des accords de Lancaster House, est un stratège né. Mais comme tous ces chefs africains aveuglés par le pouvoir, il n’a pas senti l’orage du "printemps zimbabwéen" gronder.

Mugabe, à 93 ans dont 37 passés au pouvoir, avait juré de fêter son 100e anniversaire dans les lambris dorés de la State House de Harare. Hélas! Si le cœur en dit aux Zimbabwéens, ils le laisseront souffler sa 94e bougie dans sa villa de 7,5 millions de dollars et se la couler douce grâce à sa fortune estimée à un milliard de dollars.

Son probable successeur, Emmerson Mnangagwa, était comme un fils pour lui. Il est probable qu’il laisse le vieux Mugabe terminer tranquillement ses vieux jours, avant de s’attaquer à sa femme, Grace. Qui sait? Toujours est-il que, même s’il est probable qu’il échappe à une chasse aux sorcières, Mugabe a raté le coche, comme bien d’autres chefs d’Etat africains avant lui et surtout, comme beaucoup de ses amis risquent de le faire après lui. En Afrique, malheureusement, en matière de gérontocratie et de népotisme, on est loin de la fin de l’Histoire.

Avant Mugabe, il y avait ce président tunisien au nom si douillet, Zine El Abidine Ben Ali, dont le gant de velours couvrait une main de fer. Ben Ali a été emporté par la "révolution du jasmin" en 2011. Jusqu’à la dernière minute, il croyait qu’il allait amadouer le peuple tunisien, comme il l’a fait tant de fois, en lançant son historique "Je vous ai compris". Il promettrait de desserrer l’étau policier et répressif sur la rue tunisienne, mais l’orage était déjà à son paroxysme. Il était le seul à ne pas le savoir. Et vlan, il fut emporté, lui et tout le clan Ben Ali-Trabelsi. Ses biens confisqués, il est sous la menace de lourdes condamnations. Aujourd’hui, seul son exil en Arabie Saoudite lui permet d’échapper à la prison et à une vie de gueux.

Le scénario des Ben Ali est identique à celui des Compaoré du Burkina Faso. François, le frère de Blaise, est sous le coup d’un mandat d’arrêt international et pourrait être extradé par la France vers le Burkina Faso au terme de la procédure judiciaire en cours. Quant à Blaise Compaoré, également poursuivi dans son pays, il vit dans une prison à ciel ouvert. Pour éviter les coups tordus et l’humeur changeante de la diplomatie, il s’est empressé de prendre la nationalité ivoirienne. Le fait qu’un ex-chef d’Etat, resté au pouvoir pendant 22 ans, de 1987 à 2014, ait décidé de changer de nationalité interroge. S’il avait décidé de partir à temps, avant que le "balai citoyen" ne décide de faire le ménage, il serait peut-être resté burkinabè. Ses successeurs auraient subi la pression de l’opinion publique, mais il aurait bénéficié de l’égard dû aux chefs qui savent se retirer à l'heure.

La remarque est valable pour l’Egyptien Hosni Moubarak, qui était en prison jusqu’en mars dernier. Si le général Abdelfattah Al-Sissi n’avait pas déposé le président Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans, il est fort à parier que le sort de Mourabak aurait été différent.

Aujourd’hui, la question est de savoir pourquoi les présidents africains encore en exercice n’apprennent pas de ce passé récent, voire de l’actualité brûlante concernant Mugabe. Pourquoi un Abdelaziz Bouteflika, un Paul Biya au Cameroun, un Teodore Obiang Nguema en Guinée équatoriale, ne veulent pas quitter le pouvoir? Ils continuent à diriger leurs pays respectifs d'une main de fer, chacun préparant sa succession à sa manière, mais bien souvent en promettant le pouvoir à un proche ou à un membre de sa famille. Même Jacob Zuma, dont le pays est reconnu comme une démocratie, veut imposer à la tête de l’Afrique du Sud son ex-femme, Nkosazana Dlamini Zuma.

Ce qui s’est passé au Zimbabwe cette semaine, et qui a emporté les stèles sur lesquelles était bâti le pouvoir de Ben Ali, de Compaoré ou de Moubarak, finira par se reproduire dans ces pays dirigés par des personnes qui s’agrippent au pouvoir comme une anguille à sa roche. Un pouvoir qui tient uniquement au soutien d’individus assoiffés de puissance, tout comme eux, et qui savent que pour maintenir leurs privilèges, il leur faut préserver le système et sauver le chef.

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 22/11/2017 à 09h25, mis à jour le 22/11/2017 à 09h49