Toute l'opposition et la société civile qui réclament le départ du président Kabila dès ce 31 décembre 2017 s'est jointe à l'appel à cette marche à hauts risques, interdite par les autorités comme les précédentes manifestations organisées en République démocratique du Congo.
"Les laïcs marcheront demain (dimanche). L'autorité urbaine et la police doivent jouer leur rôle dans la protection des personnes et des biens", a déclaré à l'AFP Léonie Kandolo, l'une des porte-parole des organisateurs.
"Peuple congolais, prenons notre destin en main. Le Congo notre beau pays va mal". Ainsi commence l'appel lancé début décembre par des "laïcs chrétiens" réunis sous la bannière d’un "comité laïc de coordination" (CLC), qui invite les catholiques à sortir dans la rue dimanche matin après la messe dans les quelque 150 paroisses de Kinshasa.
Plus à l'est à Uvira dans le Sud-Kivu, la radio communautaire "Messager du peuple" a été fermée pendant six heures pour avoir diffusé le message sur la marche des laïcs catholiques, selon Mutere Kisaro, son directeur.
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Les fidèles ont été invités à marcher avec des bibles à la main.
Samedi, la police et l'armée étaient déployées devant le siège du Parlement et de la commission chargée d'organiser les élections en RDC.
Comme l'épiscopat, le CLC demande au président Kabila de déclarer publiquement qu'il ne sera pas candidat à sa propre succession. Et tout comme l’opposition, le CLC demande la libération "sans conditions" des "prisonniers politiques", "la fin de l'exil des opposants menacés de prison", et un calendrier électoral "consensuel".
Rien de moins consensuel que ce chronogramme qui connaît depuis deux ans des "glissements", selon l'expression en vigueur en RDC.
Au pouvoir depuis 2001, élu en 2006, réélu dans la contestation en 2011, le président Kabila, 46 ans, n'a pas organisé d'élections à la fin de son deuxième et dernier mandat le 20 décembre 2016.
Après la mort de dizaines de manifestants anti-Kabila fin 2016, le puissant épiscopat a parrainé un accord majorité-opposition il y a tout juste un an, le 31 décembre 2016, prévoyant notamment des élections au plus tard en décembre 2017.
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Le 5 novembre, la commission électorale a finalement renvoyé les élections au 23 décembre 2018, affirmant que les violences dans le Kasai (centre de la RDC) avaient retardé le recensement.
Il y a 25 ans
Avant comme après ce calendrier électoral, toutes les manifestations de l’opposition ont été systématiquement interdites, réprimées et dispersées, avec un mort, des dizaines de blessés et d'arrestations le 30 novembre.
Les organisateurs de la "marche pacifique" ont invité "la population à n'accepter aucune forme de violence" et "à ne pas considérer les policiers, les militaires, et autres agents de services de sécurité comme des ennemis, et réciproquement".
Ce n'est pas la première fois que l'Eglise ou ses fidèles défient frontalement le pouvoir dans l'histoire agitée de la RDC, pays de 70 à 90 millions d'habitants très majoritairement chrétiens.
Il y a 25 ans, en février 1992, le même "comité laïc de coordination" avait organisé une marche contre la dictature du Maréchal Mobutu, accusé de ne pas vouloir reprendre les travaux d'une "conférence nationale" supposée libéraliser le régime.
L'ancien archevêque de Kinshasa, le défunt cardinal Frédéric Etsou s'était farouchement opposé à cette marche. La répression qui s'en était suivie avait causé la mort de plusieurs dizaines de manifestants.
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La colère de l'Eglise contre le pouvoir politique s'exprime clairement depuis plusieurs années.
"Le résultat des élections ne sont conformes ni à la vérité, ni à la justice", avait déclaré en décembre 2011 l'archevêque de Kinshasa, le cardinal Laurent Monsengwo, après l'annonce de la réélection contestée de Joseph Kabila.
Officiellement, la puissante conférence épiscopale (Cenco) qui avait parrainé les accords du 31 décembre 2016 ne s'est pas prononcée sur la marche des laïcs.
En novembre, les évêques s'étaient déclarés "profondément déçus de se retrouver dans le même contexte de tensions qu'à la fin de l'année 2016. Le peuple ne tolérera pas que cela se répète en 2018".
En septembre, le nonce apostolique argentin, Mgr Luis Mariano Montemayor, un proche du pape François, avait fait fi de toute politesse diplomatique en dénonçant "un Etat prédateur", après une visite auprès des déplacés du Kasai.
Il avait rappelé que le pape refusait de se rendre en RDC dans le contexte actuel, pour ne pas soutenir "un pouvoir illégitime".