Deux mois après sa démission, Zuma a brièvement comparu dans le box des accusés de la Haute-cour de Durban (nord-est) pour une brève audience, aussitôt renvoyée au 8 juin pour permettre aux parties de peaufiner leurs arguments.
A l'époque "ministre" provincial puis vice-président du pays, Zuma, 75 ans, est soupçonné d'avoir touché des pots-de-vin de la part du groupe français Thales, à l'occasion d'un contrat d'armement de près de 4 milliards d'euros attribué en 1999.
L'entreprise d'électronique et de défense est également poursuivie.
Sitôt les débats suspendus, Zuma est venu clamer son innocence devant le gros millier de partisans venus lui apporter leur soutien aux portes du palais de justice.
Lire aussi : Afrique du Sud: cette fois, Zuma risque de passer à la trappe
"Ces accusations ont été annulées et maintenant elles sont relancées, il est clair qu'elles sont politiques", a-t-il lancé en zoulou lors d'une longue allocution aux allures de réunion politique.
"Je suis innocent jusqu'à ce que je sois jugé coupable, mais certaines personnes veulent me traiter comme si j'étais coupable", a-t-il lancé vendredi à la foule, qui l'a acclamé par des chants et le slogan "ne touchez pas à Zuma".
Englué dans les scandales, Zuma a été poussé à la démission il y a deux mois après un long bras de fer avec son propre parti, le Congrès national africain (ANC, au pouvoir), et son successeur Cyril Ramaphosa, qui a promis d'en finir avec la corruption.
Lire aussi : Afrique du Sud: l'insubmersible Jacob Zuma au bord du naufrage
"Le président Zuma représente au sein du parti la tendance au service des pauvres. Aujourd'hui certains à la tête du parti le persécutent pour ça", a regretté Sibusiso Radebe, un membre de l'association des anciens combattants de l'ANC.
"Il a peut-être fait des erreurs mais nous disons qu'il faut le laisser prendre sa retraite tranquillement", a insisté un autre militant, Sphelele Ngwane. "C'est une conspiration, un complot politique mené par ceux qui sont au pouvoir".
Le procès de Jacob Zuma est attendu avec impatience par l'opposition et les ONG anticorruption, qui espèrent un verdict exemplaire.
"J'espère un vrai procès et un verdict approprié. Si c'est le cas, Jacob Zuma devrait finir en prison", a déclaré à l'AFP l'ancien député de l'ANC Andrew Feinstein, qui ferraille depuis des années pour faire éclater la vérité dans ce dossier. "Les preuves de sa culpabilité sont écrasantes", a-t-il jugé.
Selon l'acte d'accusation, le groupe Thales a versé à Zuma un total de 4.072.499,85 rands - l'équivalent de 280.000 euros au cours actuel - par l'intermédiaire d'un homme d'affaires présenté comme son "conseiller financier", Schabir Shaik.
Lire aussi : Afrique du Sud. Livre: le "Gangster" Jacob Zuma et la pègre
Dans un fax envoyé en 2000 à sa hiérarchie parisienne, un dirigeant local de Thales a écrit noir sur blanc que le groupe s'était engagé à verser 500.000 rands par an à Zuma pour garantir la "protection" du groupe et "le soutien permanent de JZ (Jacob Zuma) pour les futurs projets".
Sur la base de ces éléments, Shaik a été reconnu coupable de corruption en 2005 et condamné à quinze ans de prison.
Un ancien avocat de l'industriel français, Ajay Sooklal, a aussi affirmé à l'AFP avoir été le témoin de la générosité du groupe français envers l'ancien président sud-africain, citant des "notes d'hôtel payées à Paris ou Bruxelles" ou des "remises de cash".
En conflit financier avec Thales, Me Sooklal ne figure pas sur la liste des témoins de l'accusation.
Sollicité par l'AFP, le groupe Thales s'est refusé à faire le moindre commentaire sur une "affaire en cours" ou les "allégations" de son ancien conseil. Il a ajouté qu'il souhaitait "continuer à coopérer" avec les autorités sud-africaines.
Mis en cause dès 2003 dans ce dossier, Zuma a longtemps échappé aux poursuites. Par deux fois le parquet a engagé des poursuites contre lui puis les a annulées, au gré de jugements toujours très controversés.
La dernière annulation, quelques jours avant son élection à la magistrature suprême en 2009, semblait avoir enterré définitivement l'affaire.
Mais l'obstination du principal parti d'opposition, l'Alliance démocratique (DA), et l'arrivée à la tête du pays en février de Cyril Ramaphosa ont permis de la ressusciter.
Le mois dernier, le parquet général a finalement décidé de renvoyer Jacob Zuma devant un tribunal pour fraude, corruption et blanchiment. Ses avocats ont confirmé vendredi leur intention de faire appel de cette décision, qui devrait repousser le début réel des débats à la fin de l'année.