Depuis le 1er juillet dernier, l'Afrique compte officiellement un nouvel Etat. Un Etat comptant 350 millions d'habitants, avec son président, son Premier ministre et reconnu par les 54 autres. Un Etat dont les citoyens auront systématiquement une double nationalité, celle de leur pays origine et celle de la 6e région africaine. Ce pays c'est l'Etat de la Diaspora africaine qui regroupe l'ensemble des Afrodescendants, y compris ceux issus de la déportation forcée du XIVe au XIXe siècle.
C'est Sa Majesté Tchiffi Zié, jusqu'ici secrétaire général du Forum des rois et chefs traditionnels d'Afrique qui a été choisi comme chef d'Etat. Alors que Louis-Georges Tin, fondateur du Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN), en est le Premier ministre.
Tout a été fait dans les règles de l'art, puisque les fondements de cette 6e région du continent sont contenus dans l'acte constitutif de l'Union africaine depuis 2003. Ce dernier stipule en son article 3(q): «inviter et encourager la participation effective des Africains de la diaspora, en tant que partie importante de notre continent, à la construction de l’Union africaine».
A présent que cet Etat est mis en place, il entend œuvrer activement à l'émergence du continent en offrant plus d'opportunité à la Diaspora, tout en s'appuyant sur l'énorme potentiel que représentent ses compétences. Car, rappelle Louis-Georges Tin, "350 millions d'habitants, c'est le troisième Etat le plus peuplé dans le monde, derrière la Chine et l'Inde". Entretien.
Le360 Afrique: Y aura-t-il une Constitution de la 6e région?
Louis-Georges Tin: Oui, bien sûr. Cette constitution a été rédigée par une équipe internationale de juristes. Nous l'avons promulguée officiellement le 1er juillet 2018, date à laquelle nous avons lancé l'Etat de la Diaspora africaine, sixième région d'Afrique. Je rappelle qu'il y a 5 régions en Afrique: le Nord, le Sud, l'Est, l'Ouest et le Centre, plus la 6e région, composée par la diaspora. Cette 6e région figure officiellement dans les statuts de l'Union africaine, mais n'avait jamais été créée de manière effective. J'ai reçu mandat du président de l'Union africaine pour mettre en place les institutions de cette 6e région. C'est dans ce contexte que nous avons rédigé la Constitution de l'Etat de la Diaspora africaine.
Quelles sont les institutions que vous allez mettre en place, en plus du gouvernement?
Nous avons mis en place un gouvernement paritaire, avec des personnalités du monde entier, issues de la diaspora. La Constitution prévoit, en outre, la mise en place d'un Parlement, avec deux chambres. La Chambre haute, qui a un avis consultatif, est composée par les rois et leaders traditionnels du continent, et la chambre basse, qui est composée de 500 représentants de la diaspora, 100 par sous-région (Amérique du Sud, Amérique Centrale, Amérique du Nord, Europe, Asie-Océanie).
Comment devient-on officiellement citoyen de la 6e région?
Nous avons une équipe de juristes, qui sont en train de finaliser le Code de la citoyenneté diasporique. Mais en gros, il y a deux cas. Pour la jeune diaspora, c'est-à-dire pour les personnes issues de l'immigration, qui ont un lien juridique clair avec un pays africain, il suffira de le démontrer par les papiers appropriés. Pour la «vieille diaspora», c'est-à-dire pour les personnes issues de la déportation esclavagiste, qui ont un lien avec l'Afrique, mais qui ne savent pas en général de quel pays exactement elles viennent, nous demanderons une déclaration sur l'honneur. Ces personnes pourront envoyer les documents nécessaires via notre site, et recevront ensuite la carte d'identité biométrique de la diaspora, dont nous avons déjà les prototypes.
Quels seront les obligations et les droits des citoyens de la 6e région?
Le premier droit, c'est qu'ils pourront voter pour leurs représentants, lesquels siégeront au Parlement de l'Etat de la diaspora africaine. Ils pourront aussi bénéficier de services particuliers, comme l'Agence internationale pour les stages, qui permettra à des jeunes du monde entier de trouver un stage, ce qui est la première marche vers l'emploi. Ils auront également un accès privilégié à la banque d'investissement que nous sommes en train de finaliser, basée au Luxembourg. D'autres services culturels ou commerciaux seront facilités pour les détenteurs de la carte d'identité de la diaspora.
Comment allez-vous financer le fonctionnement des institutions, vu qu'il n'y a pas de territoire de la Diaspora qui facilite la levée des impôts?
Mais nous avons des ressources humaines, ce qui est la plus grande des richesses. Par exemple, nous avons un ministre des Sciences et de l'industrie, Cheick Modibo Diarra, ancien Premier ministre du Mali, qui a été directeur de projets à la NASA. Il a piloté la construction de satellites pour les Etats-Unis, il le fera pour nous aussi. Dès lors, nous allons solliciter quelques pays africains, qui seuls, ne pourraient pas s'offrir un satellite, mais qui ensemble, pourraient le faire. Ils pourront nous payer, et nous mettrons en place le satellite en question. Donc, avec cet exemple concret, vous voyez comment les projets que nous portons pourront générer des revenus.
A l'avenir, les représentants de la 6e région seront-ils désignés par les citoyens dans le cadre d'élections?
Oui, tout à fait. Quand nous aurons enrôlé les citoyens, ils auront leur carte d'identité, qui pourra servir lors des élections, qui détermineront la composition du Parlement, et le choix du Premier ministre.