Alors que les Lions de l'Atlas affrontent les Coelacanthes au stade Saïd Mohamed Cheikh à Mitsamiouli à 15h ce mardi 16 octobre, les affrontements armés se poursuivent sur l'île d'Anjouan.
Sur fond de vives tensions politiques depuis des mois, les premiers incidents ont éclaté lundi lorsque des protestataires ont érigé des barrages dans plusieurs rues et autour de Mutsamudu, considérée comme un fief de l'opposition.
Au terme d'une journée de violences, les autorités, qui accusent le parti Juwa d'être à l'origine des troubles, y ont imposé lundi soir un couvre-feu pour toute la nuit. Mais les tirs ont repris dès le lever du jour autour de la médina de la ville, selon plusieurs témoignages recueillis au téléphone par l'AFP depuis la capitale de l'archipel, Moroni.
Des témoins ont affirmé à l'AFP que certains des protestataires étaient équipés d'armes automatiques. "Ils sont cagoulés, ils portent des uniformes militaires et occupent la médina, sur les terrasses", a confié l'un d'eux, un ancien militaire qui a requis l'anonymat. "Les forces de l'ordre n'osent pas y pénétrer, ils seraient trop exposés et se feraient tirer comme des pigeons", a-t-il poursuivi.
Les manifestants ont repris à leur compte le fameux "Lera" - "c'est l'heure" en comorien - qui fut le cri de ralliement des milices séparatistes "embargos" lors de la crise sécessionniste qui avait agité l'île et tout l'archipel de 1997 à 2001, selon des habitants.
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L'armée occupait mardi matin les principales entrées de la médina, selon plusieurs habitants. La ville est totalement paralysée depuis lundi. Les voitures y sont rares, même si les barrages ont été levés, une majorité de commerces fermés et la majorité de la population restait cloîtrée chez elle, ont-ils ajouté.
"On n'a pas dormi de toute la nuit de crainte que la ville ne s'embrase", a confié un habitant sous couvert d'anonymat. "On a vraiment peur", a ajouté un autre.
"République bananière"
Le climat politique s'est singulièrement dégradé aux Comores depuis le référendum constitutionnel du 30 juillet dernier. Ce scrutin aux allures de plébiscite, (92,74% de oui) a renforcé les pouvoirs du président Azali Assoumani, notamment en l'autorisant à accomplir deux mandats successifs au lieu d'un.
Depuis 2001, la présidence était attribuée tous les cinq ans à un représentant de l'une des trois îles du pays (Grande-Comore, Anjouan et Mohéli). Ce système tournant avait permis de ramener le calme dans l'archipel, agité de coups d'Etat et de crises séparatistes depuis son indépendance de la France en 1975.
Les adversaires du chef de l'Etat ont boycotté ce scrutin, qualifié de "mascarade" et qualifié son régime de "république bananière". Ancien putschiste élu en 2016, Azali Assoumani a annoncé son intention d'organiser un scrutin présidentiel anticipé l'an prochain, qui lui permettrait de remettre les compteurs électoraux à zéro et de régner sur l'archipel, en cas de victoire, jusqu'en 2029.
Depuis le référendum, des dizaines de partisans de l'opposition ont été arrêtés, accusés de "complot" contre le régime. Parmi eux, figure l'ancien président de l'archipel, Abdallah Sambi, inculpé dans une affaire de corruption et assigné depuis cinq mois à résidence dans la banlieue de Moroni.
Chef du parti Juwa, M. Sambi est originaire de l'île d'Anjouan. Lundi soir, le ministre de l'Intérieur Mohamed Daoud l'a accusé d'être à l'origine des troubles.
"Le responsable, c'est l'exécutif de l'île d'Anjouan. Et qui dit exécutif d'Anjouan dit parti Juwa", a déclaré M. Daoud devant la presse. Dans un communiqué commun, les partis d'opposition ont renvoyé au gouvernement la responsabilité de la situation.
Les événements d'Anjouan constituent "un soulèvement spontané" de la population "pour manifester son refus des emprisonnements arbitraires, de la confiscation de toutes les libertés", a-t-elle estimé, "la dictature appelle la résistance".