Egypte: les islamistes soudanais, nouveau cauchemar de Abdelfattah Al-Sissi

DR

Le 27/05/2019 à 14h54, mis à jour le 27/05/2019 à 14h55

Le président Abdelfattah Al-Sissi a demandé au président du Conseil militaire de transition soudanais, Abdelfattah Burhan, de ne pas accepter la main tendue par les islamistes, connus pour être proches des frères musulmans égyptiens.

Abdelfattah Al-Sissi croyait s'être débarrassé définitivement des islamistes, pourtant ce qui se passe à ses frontières réveille pour le général président de vieux réflexes, au point qu'il en a encore fait une priorité. En effet, au Soudan comme en Libye, la présence des islamistes, respectivement dans le premier cercle du pouvoir et dans les milices armées, n'a rien de rassurant pour le pouvoir égyptien. 

Hier, le président du Conseil militaire de transition, Abdelfattah Al Burhan, était au Caire pour une courte visite. Lors de l'entretien qu'il a eu avec Al-Sissi, ce dernier n'a pas manqué de lui rappeler l'impérieuse nécessité de se débarrasser des islamistes, mais aussi de ne pas trop éloigner les militaires du pouvoir pour éviter au Soudan une inutile instabilité.

Il s'agit d'une vraie gageure, puisqu'il est quasiment impossible aux militaires de se maintenir au pouvoir sans transiger avec les islamistes, qui représentent une grande force politique. Même si pour le Le Caire, ces politico-religieux, très proches des frères musulmans égyptiens sont à écarter absolument. 

Concernant les islamistes, Le Caire sait que Al Burhan a besoin d'eux comme El Béchir, en son temps, s'était servi de leur influence pour gouverner en paix. Durant ces trente années de règne d'El Béchir, les islamistes ont été là, appliquant la charia, lapidant des femmes et tranchant des mains. 

C'est ce qui avait valu au Soudan d'être classé par les Etats-Unis comme Etat terroriste, mais El Béchir savait qu'il lui était impossible de gouverner sans eux. Il avait donc préféré les garder, quitte à être banni par la première puissance mondiale. 

Actuellement, devant l'intransigeance de l'Alliance pour la liberté et le changement (ALC), la coalition qui regroupe les contestataires, l'armée est tentée de négocier avec les mêmes islamistes.

Jusqu'ici, dans cette révolution qui dure depuis septembre 2018, même après avoir emporté El Béchir en avril dernier, les islamistes sont restés en embuscade, évitant d'y prendre part. Mais dernièrement, ils se sont montrés très critiques contre l'ALC, ce qui apporte de l'eau au moulin des militaires soudanais mais inquiète, dans le même temps, Le Caire. 

Vendredi soir, à Khartoum, les islamistes ont organisé un grand rassemblement et une prière, dénonçant le caractère qu'ils jugent "trop laïc" de la révolution qui serait menée par des "leaders de gauche et des libéraux", autant de personnes "contre l'islam et la charia", dénonce Mohamed Ibrahim, professeur au Centre des études stratégiques de Khartoum. 

Avant cette sortie des islamistes, les nouveaux maîtres de Khartoum avaient écarté beaucoup de généraux connus pour être proches des religieux. Etait-ce sous la pression de Le Caire? Difficile de le dire, sachant qu'ils étaient aussi des proche d'El Béchir et qu'en tant que tels, ils devaient céder leur place.

Toutefois, la pression que met Al-Sissi sur ses voisins montre bien que le pouvoir égyptien n'est pas insensible au limogeage des généraux pro-islamistes. 

L'autre préoccupation, d'ailleurs partagée avec Riyad, est que le régime militaire ne cède pas face à l'ALC. En effet, il se pourrait qu'il y ait un effet domino après que l'Algérie et le Soudan aient été touchés.

Cela peut donner des idées à la rue égyptienne ou saoudienne. C'est ce qui explique que Riyad est décidé d'investir jusqu'à 3 milliards de dollars pour soutenir le régime naissant de Abdelfattah Burhan. 300 millions de dollars, acompte de cette somme promise, ont d'ailleurs déjà été versés la semaine dernière. 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 27/05/2019 à 14h54, mis à jour le 27/05/2019 à 14h55