Le nouveau président sud-africain Cyril Ramaphosa, 66 ans, a prêté serment le samedi 25 mai à Pretoria. Devant 36.000 personnes et en présence de plusieurs chefs d’Etat africains, l’ancien syndicaliste devenu un riche homme d’affaires, a annoncé qu’il va créer des emplois et lutter contre la corruption. Il a, dans son discours d’investiture, promis des «Jjours meilleurs» aux sud-Africains.
Voici les 5 chantiers majeurs auxquels le président réélu doit faire face.
La relance croissance, une priorité
L’économie sud-africaine est en berne depuis plusieurs années. Après une période de récession, elle affiche depuis 2016 une croissance molle. Selon le FMI, après une croissance du PIB de 0,8% en 2018, le pays devrait afficher une croissance de 1,2% en 2019 et 1,5% en 2020.
On est loin des taux de croissance de l’ordre de 5% enregistrés entre 2004 et 2007. En cause, la faiblesse des prix à l’exportation des métaux, la corruption, la multiplication des mouvements sociaux dans les secteurs stratégiques, les coupures d’électricité, la faiblesse des investissements, etc.
Des niveaux de croissance faibles qui ne permettent pas de créer suffisamment d’emplois pour résorber le chômage.
Face à cette situation, le président a annoncé un programme d’investissement de 100 milliards de dollars sur 5 ans. A ce titre, il faut souligner qu’en 2018, le pays n’a attiré que 4,9 milliards de dollars d’investissements directs étrangers (IDE), le niveau le plus élevé depuis 2013, contre 1,7 milliard de dollars en 2017.
La croissance sera de retour lorsque les investisseurs retrouveront la confiance en le système. A ce titre, le président a annoncé la poursuite des réformes économiques pour relancer une économie en berne depuis des années.
L’électricité, des délestages qui plombent l'économie
Depuis le 11 février dernier les Sud-Africains font face à des coupures d’électricité quotidiennes, imposées par la compagnie nationale Eskom. L’entreprise a initié des coupures de «niveau 4», laissant 20% du pays le plus industrialisé d’Afrique sans électricité. Eskom, qui produit 90% de l’électricité sud-africaine, suspend ainsi l’équivalent de 4.000 MW d’électricité de la distribution, sur une capacité globale de 28.000 MW.
Une situation qui handicape l’économie sud-africaine. Selon Goldman Sachs, les délestages vont coûter 0,9% en termes de croissance du PIB en 2019. Ce qui pourrait expliquer la révision à la baisse du taux de croissance du pays par le FMI.
Les coupures d’électricité du géant Eskom sont dues à des défaillances des centrales à charbon, aux pénuries de diesel, aux faiblesses du niveau d’eau des centrales hydroélectriques et aux dégâts du cyclone Idaï au Mozambique où une partie de l’électricité est importée. A cela s’ajoute la mauvaise gouvernance de l'entreprise.
Le président doit agir rapidement pour remettre Eskom sur les rails et éviter que les coupures n’entravent davantage la croissance et donc sa politique de relance économiques.
En attendant, Phakamani Hadebe, directeur exécutif d’Eskom, nommé en mai 2018, a démissionné pour des raisons de santé. Le Conseil d’administration de l’entreprise doit chercher un nouveau capitaine à même de restructurer l’entreprise.
Le chômage, une bombe à retardement
L’Afrique du Sud affiche l’un des taux de chômage les plus élevés d’Afrique. Celui-ci s’est établi à 27,1% au 4e trimestre 2018, selon les chiffres du département sud-africain des statistiques. Ainsi, ce sont 6,1 millions de Sud-Africains âgés de 15 à 64 ans qui étaient sas emplois à la fin de l’année dernière.
Face à cette bombe sociale à retardement, le président sud-africain a fait de la lutte contre le chômage sa priorité lors de la campagne électorale, en promettant de créer des emplois. Il a promis de créer 275.000 emplois par an. Un niveau insuffisant pour résorber le niveau élevé du nombre de chômeurs. Reste qu’avec une croissance aussi terne, il sera difficile au président Ramaphosa de tenir ses promesses électorales et réduire la pauvreté.
Le chômage et la pauvreté sont en effet les principales sources d’insécurité en Afrique du Sud. En 2018, ce sont plus de 20.000 personnes qui y ont été victimes de meurtres, soit 57 morts par jour.
La corruption, une lutte difficile au sommet de l’Etat
C’est l’un des terrains où le président réélu est le plus attendu par les milieux d’affaires. Sous l’ère de Jacob Zuma, l’Afrique du Sud est devenue l’un des pays où la corruption au sommet de l’Etat est une pratique courante. D’ailleurs, depuis août 2018, une commission d’enquête Zondo passe au crible les deux mandats de l’ex-président Zuma, poussé à la démission en février par l’ANC pour mettre la lumière sur les nombreux scandales qui ont terni ses 2 mandats de Zuma (2009-2018). Plusieurs sociétés ont engrangé de juteux contrats par le biais de la corruption.
L’ancien président est jugé par la Haute Cour de Pietermaritzburg dans une affaire de corruption avec le groupe d’armement français Thalès.
Ramaphosa a promis de sévir contre la corruption, même dans son propre camp, l’ANC, afin de ramener la confiance des investisseurs. Toutefois, la tâche ne sera pas facile pour le président qui doit composer avec les proches de Zuma. Il a déjà commencé à neutraliser certains d’entre eux. Ainsi, lors de son investiture, Ramaphosa a décidé de retarder l’investiture de 3 députés de l’ANC -David Mabuza (actuel vice-président du pays, Nomvula Mokonyane et Malusi Gigaba (deux anciens ministres) en raison d’accusations de corruption qui pèsent sur eux.
La réforme agraire, un héritage de l'apartheid qui divise
Le président Ramaphosa promet d’accélérer la restitution des terres aux Noirs. «Nous écrivons l’histoire (…) nous réparons une injustice historique en rendant leur propriété à ses détenteurs légaux», avait lancé Ramaphosa lors d’une cérémonie dans la province du KwaZulu-Natal en octobre 2018, en rendant symboliquement à une communauté de la région 4.586 hectares de ses terres dépossédées sous l’apartheid.
Il faut noter que la minorité blanche, qui représente 8% des plus de 55 millions d’habitants, possède 72% des fermes alors que les Noirs qui représentent 80% de la population n’en détiennent que 4%.
Pour mener cette opération, il envisage de modifier la Constitution pour autoriser certaines expropriations sans indemnisation. Si de nombreux Noirs applaudissent cette initiative, notamment les membres du parti de gauche radicale des Combattants pour la liberté économique (EFF), celle-ci inquiète les Blancs sud-africains. Elle suscite des tensions aussi bien en Afrique du Sud, encore fortement marquée par l’apartheid, qu’à l’international.
Certains sud-africains craignent aussi que ces expropriations ne précipitent à a ruine de l’économie sud-africaine en évoquant le spectre du Zimbabwe. La réforme agraire sera un des dossiers les plus difficiles à gérer sachant que celle-ci est une promesse de l’ANC à sn arrivée au pouvoir en 1994.
Si le président Ramaphosa ne parvient pas à respecter ses engagements, l’ANC pourrait bien perdre la prochaine élection législative et perdre le pouvoir. En effet, l’ANC a réussi à conserver sa majorité absolue à l’Assemblée nationale tout en réalisant son plus faible score (57,5%), illustration de al chute de sa popularité dans le pays.