Afrique du Sud: devant la commission Zondo pour corruption, Zuma crie à la machination

Jacob Zuma, ex-président de l'Afrique du Sud.

Jacob Zuma, ex-président de l'Afrique du Sud.. DR

Le 15/07/2019 à 11h45, mis à jour le 15/07/2019 à 11h48

L'ex-président sud-africain Jacob Zuma s'est catégoriquement défendu lundi devant une commission anti-corruption de toutes les accusations de pillage de ressources de l'Etat qui lui sont reprochées en criant à la "calomnie" et à la "conspiration".

"On m'a calomnié, on m'a présenté comme le roi des corrompus", a dénoncé M. Zuma devant la commission, lors d'une longue déclaration improvisée et confuse. "Il y a une conspiration contre Zuma", a-t-il poursuivi, évoquant même un "complot visant à (l')assassiner" qu'il a fait remonter à ses activités de chef des renseignements du Congrès national africain (ANC) pendant la lutte contre le régime de l'apartheid.

"La volonté de faire partir Zuma a commencé à cette époque", a poursuivi l'ancien chef de l'Etat. "Je comprends que cette commission a été créée pour me faire venir (rendre des comptes) ici et peut-être trouver des choses à me reprocher", a-t-il insisté. "Il y a des gens qui n'auraient pas été satisfaits si je n'avais pas été en prison ou renvoyé", a-t-il estimé.

Depuis un an, la commission anticorruption, présidée par le vice-président de la Cour constitutionnelle Raymond Zondo, a entendu des dizaines de ministres, élus, hommes d'affaires ou hauts fonctionnaires qui ont déballé au grand jour les affaires louches de l'ère Zuma (2009-2018). L'ancien chef de l'Etat, 77 ans, est notamment soupçonné d'avoir accordé illégalement de juteux contrats publics et des avantages indus à une sulfureuse famille d'hommes d'affaires indiens dont il est proche, les Gupta.

Jacob Zuma a été poussé à la démission en février 2018 et remplacé par le nouveau patron de l'ANC, Cyril Ramaphosa. Mais il a toujours nié farouchement être impliqué dans tous les scandales qui ont éclaboussé son règne. Le mois dernier, Jacob Zuma avait dénoncé via ses avocats la partialité de la commission et sa volonté de l'"humilier", mais il a finalement accepté de se présenter devant elle de son plein gré.

Un de ses avocats, Muzi Sikhakhane, a dénoncé lundi devant la commission la "propagande" dirigée contre son client et assuré que l'ancien président était "désireux de collaborer" avec elle.

"Nous contrôlons tout"

Depuis qu'elle a lancé ses auditions, la commission Zondo a compilé un épais dossier à charge contre l'ex-président.

Un ex-ministre, Mcebisi Jonas, est venu y raconter comment les frères Gupta étaient venus lui proposer en 2015 le maroquin des Finances en échange de son aide pour obtenir des contrats et d'un pot-de-vin de 600 millions de rands (près de 40 millions d'euros). Selon M. Jonas, Ajay Gupta lui a alors affirmé sans détour: "Vous devez comprendre que nous contrôlons tout (...) et que le vieux (Zuma) fera tout ce que nous lui dirons de faire".

Un autre ministre des Finances, Nhlanhla Nene, a témoigné avoir été remercié la même année par Jacob Zuma pour avoir refusé un juteux projet de contrat nucléaire qui aurait bénéficié aux mêmes frères Gupta, propriétaires d'une mine d'uranium.

A son tour entendu par la commission, l'actuel ministre des Entreprises publiques Pravin Gordhan a lui aussi réglé ses comptes avec Jacob Zuma en l'accusant d'avoir "autorisé un climat d'impunité permettant la corruption" et la "capture de l'Etat" par des intérêts privés. M. Gordhan a chiffré à 100 milliards de rands (6 milliards d'euros) le montant des fonds publics détournés ces dernières années dans son pays.

Plusieurs dizaines de partisans de M. Zuma sont venus lundi devant la commission pour lui exprimer leur soutien. "Il a été mon ami et mon camarade depuis trente ans, il mérite un soutien à cause de son énorme contribution à la lutte de libération", a déclaré l'un d'eux, Carl Niehaus. "La commission doit faire son travail, mais de façon libre et honnête."

Malgré toutes les accusations dont il fait l'objet, l'ancien président n'a toujours pas été formellement inculpé. Il n'est pour l'heure poursuivi par la justice que dans une seule affaire de pots-de-vin versés en marge d'un contrat d'armement signé... il y a vingt ans.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 15/07/2019 à 11h45, mis à jour le 15/07/2019 à 11h48