Alors que le ballet diplomatique se poursuit dans plusieurs capitales comme Alger ou Tunis, Ankara et Moscou, qui se sont impliquées ces dernières semaines dans le dossier libyen, ont appelé à un cessez-le-feu en Libye le 12 janvier à minuit. Mais leur appel semble être peine perdue, puisque le maréchal Khalifa Haftar, homme fort de l'Est libyen, a annoncé la poursuite de ses opérations militaires contre les forces loyales au Gouvernement d'union nationale (GNA), reconnu par l'ONU.
Appel au cessez-le-feu
Les présidents turc Recep Tayyip Erdogan et russe Vladimir Poutine ont appelé mercredi à Istanbul à un cessez-le-feu en Libye, où leurs intérêts divergent pourtant. La Russie est accusée de soutenir le maréchal Haftar en lui envoyant notamment des centaines de mercenaires, tandis que la Turquie a annoncé l'envoi de troupes en Libye en soutien au GNA.
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La réponse du maréchal Haftar ne s'est pas fait attendre. Dans un communiqué lu par son porte-parole Ahmad al-Mesmari, Haftar a estimé que la stabilité ou la relance du processus politique en Libye ne pouvaient être réalisées avant l'« éradication des groupes terroristes », la dissolution et le désarmement des milices qui contrôlent, selon lui, la capitale libyenne. Khalifa Haftar, soutenu notamment par l'Égypte et les Émirats arabes unis, mène depuis début avril une offensive pour s'emparer de la capitale libyenne, siège du GNA de Fayez el-Sarraj. « Ces groupes se sont emparés de la capitale et reçoivent le soutien de certains pays et gouvernements qui leur livrent des équipements militaires, des munitions [...] et des drones », observe Khalifa Haftar. « Ces pays envoient aussi de nombreux terroristes de partout dans le monde pour [nous] combattre », a-t-il ajouté, en allusion à la Turquie qu'il accuse d'envoyer des combattants syriens proturcs en Libye. Pour son camp, il ne s'agit donc pas d'un rejet de l'initiative, mais plutôt de « conditions qui doivent être remplies » avant tout cessez-le-feu.
Le GNA a, de son côté, salué mercredi soir l'appel à la trêve sans toutefois indiquer s'il allait s'y conformer.
L'émissaire de l'ONU en Libye, Ghassan Salamé, s'est, lui, félicité de l'initiative russo-turque et a exhorté toutes les parties « à cesser immédiatement toutes les opérations militaires ». Ghassan Salamé travaille sur l'organisation en janvier d'une conférence internationale sur la Libye à Berlin pour mettre fin aux interférences étrangères dans la crise, tandis que plusieurs pays s'activent sur le plan diplomatique.
Alger accélère le tempo diplomatique
Pendant ce temps, à Alger, le ballet diplomatique suit son cours. Après avoir accueilli lundi le chef du GNA et le ministre turc des Affaires étrangères, l'Algérie, qui partage près de 1 000 kilomètres de frontières avec la Libye, a reçu jeudi les chefs de la diplomatie de l'Italie et de l'Égypte, autre pays frontalier de la Libye. « Tout le monde est d'accord pour un cessez-le-feu », a déclaré l'Italien Luigi Di Maio, cité par l'agence officielle algérienne APS. Soucieuse de rester à « équidistance » des deux camps en guerre, Alger dit rejeter « toute ingérence étrangère ».
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À Tunis et au Caire, les ingérences étrangères dénoncées
Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, s'est, lui, rendu en Tunisie, voisine de la Libye, où il a souligné que « le risque d'escalade [...] menace de déstabiliser l'ensemble de la région ». Tunis a aussi accueilli jeudi le ministre des Affaires étrangères saoudiennes, Fayçal ben Farhane, sur l'affaire libyenne.
Le dossier libyen était aussi au centre d'une rencontre mercredi au Caire entre Jean-Yves Le Drian et ses homologues italien, égyptien, chypriote et grec, mais cette réunion a illustré les divisions de la communauté internationale. Dans un communiqué que Luigi Di Maio n'a pas signé, Paris, Le Caire, Nicosie et Athènes ont jugé « nuls et non avenus » les deux accords signés en novembre entre Ankara et le GNA, le second permettant à la Turquie de faire valoir des droits sur de vastes zones en Méditerranée orientale.
Le premier accord porte sur la coopération militaire qui permet à la Turquie d'envoyer des troupes en Libye, pays avec lequel l'Italie entretient des liens historiquement étroits. Selon des analystes, Rome voit d'un mauvais œil le rôle grandissant en Libye d'autres pays comme la Turquie ou la Russie. Le Premier ministre italien, Giuseppe Conte, a reçu mercredi le maréchal Haftar à Rome et l'a appelé à cesser son offensive.
À Bruxelles, l'Union européenne a promis à Fayez el-Sarraj d'« intensifier ses efforts » pour une solution pacifique. Sur le terrain, les combats font toujours rage au sud de Tripoli où les pro-Haftar tentent d'entrer dans la ville, auréolés par leur conquête éclair lundi de Syrte, verrou stratégique entre l'est et l'ouest de la Libye.