Les Nations unies et les organisations humanitaires se disaient mardi de plus en plus ouvertement inquiètes de la situation au Tigré, où l'ONU avait indiqué avoir obtenu un accès un accès humanitaire "sans restriction" en vertu d'un accord avec les autorités d'Addis Abeba annoncé la semaine dernière.
Le porte-parole de la cellule de crise gouvernementale pour le Tigré, Redwan Hussein, a confirmé mardi qu'une équipe de l'ONU avait essuyé des tirs et avait été arrêtée dimanche dans cette région.
Les membres de cette équipe "ont forcé deux barrages pour se rendre rapidement dans des zones où ils n'étaient pas censés aller et où il leur avait été dit de ne pas aller (...) au moment où ils allaient franchir le troisième, ils ont essuyé des tirs et ont été arrêtés", a-t-il affirmé, précisant qu'ils étaient "bien sûr, désormais libres".
"Un accès sans restriction à n'importe quel coin d'Ethiopie, ça n'existe pas", a martelé le porte-parole, estimant que "l'accès donné aux Nations unies entre dans un cadre élaboré par une nation souveraine, coordonné par le gouvernement".
Lire aussi : Ethiopie: le gouvernement dit oeuvrer pour un retour à la normale au Tigré
Le Tigré est privé de tout approvisionnement et d'aide depuis que le 4 novembre le Premier ministre Abiy Ahmed, prix Nobel de la Paix 2019, y a envoyé l'armée fédérale pour en chasser les dirigeants de la région, issus du Front de libération du Peuple du Tigré (TPLF), qui défiaient depuis des mois son autorité.
Lundi, plusieurs sources onusiennes à Addis Abeba avaient indiqué à l'AFP qu'une équipe de l'ONU chargée d'évaluer les conditions de sécurité au Tigré avait été brièvement arrêtée après s'être vu refuser l'accès à un camp de réfugiés érythréens. Une des sources avait évoqué des tirs.
L'accord passé avec l'ONU prévoit que "l'assistance (humanitaire) soit conduite et coordonnée par le gouvernement éthiopien. Aucune entité, multilatérale ou unilatérale ne peut supplanter la responsabilité du gouvernement éthiopien", a insisté le porte-parole.
"De plus en plus critique"
Près d'une semaine après cet accord et dix jours après que Abiy eut décrété, le 28 novembre, l'opération militaire au Tigré "terminée" avec la prise de la capitale régionale Mekele, l'aide humanitaire n'a toujours pas commencé à être acheminée et la situation sécuritaire et humanitaire réelle est inconnue.
L'ONU n'a toujours pas "cet accès terriblement nécessaire" au Tigré, a regretté mardi à Genève le porte-parole du Haut Commissariat au Réfugiés (HCR), Babar Baloch. "La situation humanitaire est de plus en plus critique", a-t-il prévenu, jugeant vital que les organisations humanitaires soient en mesure d'assister rapidement les gens" sur place.
Lire aussi : L'Ethiopie donne un accès humanitaire illimité à l'ONU au Tigré
Les Nations unies sont "toujours très inquiètes pour la sécurité des civils en général", a-t-il poursuivi.
"Cela fait un mois que nous n'avons plus accès aux (quelque 96.000) réfugiés érythréens", abrités depuis des années dans quatre camps au Tigré, a également souligné Baloch: "faute de pouvoir accéder" au Tigré, "nous ne pouvons pas vérifier ce qui leur est arrivé ou ce qu'il se passe là-bas".
Baloch avait récemment estimé que les stocks de nourriture sur place devaient désormais être épuisés.
Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres s'est également dit "très inquiet de la situation actuelle au Tigré", estimant "essentiel de rétablir rapidement l'Etat de droit, de faire respecter les droits humains, de rétablir les services publics et de garantir un accès humanitaire sans restriction".
Dimanche, un médecin du principal hôpital de Mekele avait indiqué ne plus pouvoir prodiguer de soins, faute d'électricité, de matériel et de médicaments de base.
"Le plus tôt nous atteindrons les hôpitaux (du Tigré) avec de l'aide médicale, le mieux ce sera pour des centaines de blessés et malades", a tweeté le directeur Afrique du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Patrick Youssef.
Le Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC) a de son côté estimé mardi que "l'aide à la région du Tigré ne peut plus attendre" et le secrétaire général de l'ONG Jan Egeland s'est dit "profondément inquiet de voir que l'accès humanitaire à la région est toujours très restreint".