"Son programme 7E est bon: il y a l'équité, il y a l'eau, il y a l'équipement, il y a l'énergie...", égrène l'ancien professeur du secondaire, à la retraite depuis deux ans, vêtu d'un boubou bleu clair.
Mahamane Ousmane a déjà été président, entre 1993 et 1996. Mais, à l'époque, il "n'a pas eu le temps de mettre en place son programme", pense Ismaïlou Harou. Un coup d'Etat militaire le chasse de la présidence après trois ans à la tête de ce pays classé parmi les plus pauvres du monde, enclavé entre Sahel et Sahara.
Lire aussi : Niger. Présidentielle: voici les deux candidats qui s'affronteront au second tour
Le scrutin de dimanche est en cela historique: pour la première fois, une transition démocratique va passer le relais d'un président à l'autre par les urnes.
Ce sera soit Mahamane Ousmane, soit Mohamed Bazoum, candidat du parti du pouvoir qui passe pour grand favori du scrutin après avoir remporté le premier tour à 39,3% contre presque 17% pour Ousmane.
Au siège du parti d'Ousmane, le RDR-Tchanji, à Zinder, un large ventilateur soulève la poussière du bureau du directeur régional, Abdoul Raïm Balarabé, tandis qu'il explique la stratégie de la coalition d'opposants autour d'Ousmane réunis sous la bannière "Cap 20-21": des militants ratissent les campagnes, font des meetings.
Face à la machine du PNDS, parti présidentiel, qui a recouvert de sa couleur rose la plupart des rues du pays, eux font "avec les moyens du bord".
Lire aussi : Niger. Le futur président, c'est peut-être lui, d'après les résultats partiels
"C'est vrai qu'ils (le camp de Bazoum) ont de l'argent, mais les gens ne sont pas dupes, et d'ailleurs on leur dit: quand on vous donne l'argent, il faut le prendre, c'est l'argent du peuple nigérien", estime M. Balarabé.
Comme ailleurs en Afrique de l'ouest et centrale, l'argent circule vite et fort en temps d'élection: chacun accuse l'autre d'utiliser la manne financière, réelle ou présumée, pour acheter les consciences.
"Prenez l'argent, mais quand il s'agit du vote, faites le bon choix!", lance le directeur régional.
- Ballet d'avions -
En fin de matinée mardi, les moteurs des rutilantes voitures ornées d'autocollants vert (couleur du parti d'Ousmane) se mettent à ronronner: le "président", comme les militants l'appellent, est annoncé pour un passage éclair dans sa ville natale.
Direction l'aéroport, où se pose quelques minutes plus tard un jet privé duquel sort Mahamane Ousmane, large boubou trois-pièces sur les épaules et bonnet rouge sur la tête.
Ce mardi à Zinder, le ballet d'avions est incessant: tôt le matin, des journalistes occidentaux dont l'AFP ont été amenés par un avion affrété par la présidence, le soir, c'est celui aux couleurs de la République du Niger qui y a atterri, ramenant le président Mahamadou Issoufou du sommet du G5 Sahel à N'Djamena.
Il faut dire que Zinder est une ville stratégique, gros réservoir d'électeurs et fief des deux candidats. C'est aussi l'une des rares zones du pays épargnée par l'insécurité.
Le temps que le jet d'Ousmane fasse le plein d'essence (il allait de la capitale Niamey à Diffa, plus à l'est), l'ancien président entame face aux journalistes une litanie de reproches contre le régime en place.
"Les gens ont faim, les gens ont soif, les gens sont malades, l'éducation est défaillante, l'emploi est inexistant. Pensez-vous que c'est pour rien que l'insécurité sévit dans ce pays ?"
Lire aussi : Présidentielle au Niger: "un jour spécial" pour le président sortant Issoufou
Dans l'entourage de Bazoum, on balaie d'un revers de la main ces accusations: "la situation était pire quand il était président, les chiffres s'améliorent depuis dix ans", la durée des mandatures Issoufou.
Sur le tarmac, Ousmane le martèle: il n'a "pas peur" malgré son statut d'outsider. L'interview prend fin quand les moteurs du jet se remettent à tourner: il est temps de repartir en campagne.