L'affaire Nkandla, du nom de la résidence du président sud-africain rénovée aux frais du contribuable, empoisonne depuis quatre ans Jacob Zuma. Dans l'hémicycle, les députés de l'opposition interrompent régulièrement le chef de l’État en lui lançant "Rends l'argent".L’État a payé quelque 20 millions d'euros (au cours de l'époque) officiellement pour améliorer la sécurité de ce domaine situé en pays zoulou (est). Les travaux incluaient notamment la construction d'une piscine, d'un poulailler, d'un enclos pour le bétail, d'un amphithéâtre et d'un centre d'accueil des visiteurs.Jeudi, la Cour constitutionnelle, la plus haute instance juridique d'Afrique du Sud a donné 45 jours au président pour qu'il rembourse "la somme à déterminer par le Trésor public".Cette somme doit représenter "le coût raisonnable des travaux non liés à la sécurité" réalisés à Nkandla, c'est-à-dire "uniquement le centre pour visiteurs, l'enclos pour bétail, le poulailler et la piscine", qui ont été payés par le contribuable, a expliqué le président de la Cour constitutionnelle, Mogoeng Mogoeng.Jacob Zuma n'a "pas fait respecter, ni défendu, ni suivi la Constitution", a-t-il encore insisté, en livrant pendant plus d'une heure son arrêt retransmis en direct à la télévision sud-africaine.En 2014, la médiatrice de la République, Thuli Madonsela, chargée de veiller au bon usage des deniers publics, avait estimé que le président avait "indûment bénéficié" du chantier sur son domaine et devait "rembourser un pourcentage raisonnable des coûts".
Mais le président ne s'y était pas plié. "Le fait que le président n'ait pas obtempéré (...) est une violation de la Constitution", a estimé jeudi Mogoeng Mogoeng, affirmant que "les réparations exigées par la médiatrice de la République sont contraignantes".Motif de destitutionImmédiatement, le principal parti d'opposition, l'Alliance démocratique (DA), à l'origine, avec le parti de gauche radicale EFF, de la saisine de la Cour constitutionnelle, a annoncé le lancement d'une procédure de destitution contre le président."L'arrêt rendu aujourd'hui est très clair: les agissements du président Zuma équivalent à une grave violation de la Constitution, et constituent un motif de destitution", a indiqué la DA dans un communiqué, publié quelques minutes après la décision de la Cour.
La destitution a toutefois très peu de chances d’aboutir: le parti au pouvoir, le Congrès national africain (ANC) dispose d'une écrasante majorité au parlement, et continue à soutenir le président, comme le note Robert Bessling, analyste du Think Tank ExAfrica."Le président Zuma jouit toujours du soutien d’au moins 60% du comité exécutif de l’ANC, l’organe de décision du parti", a-t-il souligné."Il contrôle en outre toujours les services de renseignements et de sécurité, et peut se prévaloir du soutien politique déterminant des chefs traditionnels ruraux et des grands donateurs du parti. Aussi longtemps qu’il bénéficiera de ces appuis, il est très peu probable que sa présidence soit ouvertement défiée", a-t-il ajouté.L'arrêt de la Cour constitutionnelle intervient à un moment crucial pour la président Zuma, embourbé dans plusieurs scandales, dont le plus récent concerne une famille de richissimes hommes d'affaires d'origine indienne soupçonnés d'intervenir dans la nomination de postes ministériels.Le président est aussi malmené à cause des mauvais résultats de la première économie industrialisée du continent, qui a enregistré une faible croissance en 2015 (1,3%).L'ANC pourrait enregistrer des revers lors des élections locales prévues cette année.