Il y a un mois, l'organisation Etat islamique (EI), auquel Boko Haram s'était affilié, avait annoncé la nomination d'un nouveau chef pour le groupe nigérian, en remplacement d'Abubakar Shekau, apparemment contesté pour son ultra-violence.
Mais Shekau avait immédiatement démenti son remplacement par cet homme de 22 ans, Abou Mosab Al Barnaoui, identifié par les experts comme le fils du fondateur historique de Boko Haram, Mohamed Yusuf.
Plusieurs affrontements meurtriers ont depuis opposé les deux factions du groupe jihadiste, qui subit par ailleurs une forte pression de l'armée nigériane.
Jeudi dernier, plusieurs combattants du camp Shekau ont été tués par le camp rival dans deux affrontements armés dans la zone de Monguno, dans l'Etat de Borno (nord-est du Nigeria). "La faction Barnaoui a lancé une offensive contre la faction Shekau qui occupait les villages de Yele et Arafa", a témoigné un habitant, Mele Kaka. "A Yele, les assaillants ont tué trois hommes du camp Shekau" et ils en ont tué aussi "plusieurs à Arafa". Les habitants d'Arafa ont pris la fuite, selon lui.
La veille, les combattants du clan Barnaoui avaient attaqué leurs rivaux dans le village de Zuwa, plus au sud, en tuant un nombre indéterminé, toujours selon Mele Kaka. "Après chaque attaque, les combattants de Barnaoui ont dit aux villageois que leurs rivaux du clan Shekau s'étaient éloignés du vrai "jihad" (guerre sainte), qu'ils tuaient des innocents, pillaient leurs biens et brûlaient leurs maisons", "des actes contraires aux enseignements de l'islam", a rapporté Mele Kaka.
L'insurrection menée par Shekau, qui souhaite l'instauration d'un Etat islamique rigoriste, s'est en effet caractérisée par sa violence extrême contre les habitants, principales victimes du conflit : villages rasés, hommes massacrés, femmes et enfants capturés dans les campagnes, et dans les villes attentats-suicides sanglants contre mosquées, marchés ou gares routières.
Attaques indiscriminées contre les civils
Le conflit a fait 20.000 morts et 2,6 millions de réfugiés en sept ans, principalement dans le nord-est du Nigeria et les régions avoisinantes, y compris dans les pays voisins, Tchad, Niger et Cameroun.
Le "coup médiatique" le plus fort de Boko Haram a été l'enlèvement de plus de 200 lycéennes à Chibok en 2014, un rapt massif qui a suscité une condamnation internationale.
Mais la direction de Shekau est contestée en interne, selon des experts, en raison de sa brutalité, de son caractère "dictatorial" - il n'aurait pas hésité à liquider plusieurs de ses commandants - et de ses attaques indiscriminées contre les civils, pourtant majoritairement musulmans.
D'après un membre d'une milice civile qui aide l'armée contre le groupe jihadiste, d'autres combats se sont produits il y a deux semaines dans le secteur d'Abadam (Etat de Borno), près de la frontière du Niger. "Il y a eu des morts, les combattants de Shekau ont dû fuir", selon ce milicien, Babakura Kolo.
Des centaines de villageois pris en otage avec leur bétail par les combattants de Shekau en fuite ont été libérés par les hommes de Barnaoui, selon le milicien.
Abubakar Shekau avait prêté allégeance à l'Etat Islamique en mars 2015, transformant le nom de son groupe en "Province de l'Afrique de l'Ouest de l'Etat islamique".
Les informations sur la lutte de factions au sein de Boko Haram ont mis du temps à faire surface à cause de la destruction des infrastructures de télécommunication dans le nord-est du pays, dont l'accès est très difficile.
Contacté par l'AFP, l'armée nigériane se refuse à tout commentaire sur ces luttes intestines de Boko Haram.