Kiosque Le360Afrique. Alors qu’elle est en plein travail, Maria, une adolescente de 16 ans se fait gifler à intervalle régulier par une femme d’âge mur. Mais le plus dur viendra après la naissance de son enfant.
"L’infirmière a pris mon enfant pour le laver, elle n’est jamais revenu avec", explique Maria, la gorge nouée et ne pouvant pas détacher les yeux du sol. La scène qui se déroule dans l’Est du Nigéria est rapportée par Vanguard, un quotidien à grand tirage. Maria affirme qu’elle a appris que son nouveau-né a été donné pour adoption et elle a reçu 20.000 nairas (65,79$), le même prix qu’un sac de riz de 50 kg. Et Maria est loin d’être la seule dans son cas.
Une équipe d’enquête de la Fondation Thomson Reuters a parlé avec plus de 10 femmes nigérianes. Elles affirment avoir été dupées et forcées à abandonner leur enfant à la naissance à des étrangers dans des maisons connues comme des "usines à bébés" au cours des deux dernières années. Cinq femmes n’ont pas voulu être interrogées, même dans l’anonymat, de peur des représailles de bandes criminelles impliquées dans les trafics d’enfants. Alors que deux hommes affirment être payés pour agir comme rabatteurs auprès des jeunes femmes enceintes.
Même si, le contexte rend difficile la collecte de données statistiques, les bénévoles des ONG affirment que la vente de nouveau-nés est très répandue. De plus, avec la crise, le phénomène a tendance à se développer beaucoup plus vite que par le passé. "Le gouvernement a d’autres chats à fouetter avec la crise que vit le pays, que de s’occuper de trafic d’enfants", affirme Arinze Orakwue, directeur de communication de l’Agence nationale de lutte contre le trafic d’êtres humains (NAPTIP).
Un nombre élevé d’"usine à bébés" a été fermé dans le sud-est du pays, dans les Etats d’Abia, Anambra, Ebonyi, Enugu et Imo cette année, selon la NAPTIP. Quelque 14 ont été découvertes au cours des 9 premiers mois de l’année, soit six de plus qu’en 2015 et 10 de plus qu’en 2014, selon les statistiques. En dépit du nombre croissant d’interventions des autorités, l’exploitation du désespoir des couples à la recherche d’enfants et des mères-filles continue.
Les enfants achetés sont ainsi revendus jusqu’à 5000 dollars. Le trafic est donc on ne peut plus juteux, dans le pays le plus peuplé du continent avec 170 millions d’habitants. La demande n’est pas ce qui fait défaut, et la misère fait que l’offre sera toujours présente. Il faut rappeler, en effet, que plus de 85 millions de personnes vivent en deçà du seuil de pauvreté fixé à 1,90 dollar par jour.
De plus, au Nigeria, une femme qui ne peut avoir d’enfants et considérée comme une femme maudite. Et une jeune fille qui tombe enceinte a de fortes chances d’être rejetée par la société, affirme Orakwue.