Le360 Afrique: Après les déboires de l'armée malienne qui s'est montrée incapable de défendre son territoire et ceux du Nigéria qui est resté pendant 5 ans sans le contrôle d'une bonne partie du Nord Est de son territoire, est-ce que les Africains commencent à prendre conscience de l'importance de développer leurs forces armées?
Arthur Banga: Oui bien sûr. Plusieurs raisons expliquent cette prise de conscience. D’abord, les menaces sécuritaires de plus en plus importantes. AQMI ou Boko Haram sont des mouvements terroristes bien entraînés avec un équipement moderne et des combattants surmotivés. De même, dans le Golfe de Guinée, les pirates sont très actifs et menacent toute l’économie. Ensuite, les puissances mondiales souhaitent que les armées africaines participent davantage aux opérations de maintien de la paix. Le nombre de casques bleus tués au Mali ou les assauts qu’a connus l’armée sud-africaine en RCA montrent que ces opérations ne sont plus une simple balade. Enfin, les officiers africains qui côtoient dans les prestigieuses académies militaires leurs collègues d’Amérique, d’Europe et de Chine souhaitent travailler sur du matériel moderne.
Dans les faits, comment cette prise de conscience se manifeste-t-elle?
Elle se manifeste dans l’engagement de plus en plus important des troupes africaines sur des terrains extérieurs dans le cadre d’opérations des Nations unies ou pas. Le Tchad s’est illustré de fort belle manière au Mali. Le Niger, le Tchad, le Cameroun et le Nigeria ont su coordonné leurs actions pour faire perdre du terrain à Boko Haram. Ensuite dans les budgets militaires ou plutôt dans la part consacrée aux investissements dans les budgets. Le cas du Mali est frappant ou encore celui de la Côte d’Ivoire où un investissement d’environ 80 milliards est prévu pour le quinquennat à venir.
En Afrique de l'Ouest, quelles sont les armées qui sont capables de se défendre contre une attaque semblable à celle qu'a subie le Mali, le Nigeria, la Côte d'Ivoire au moment de la rébellion?
Tout dépend de l’arsenal et de l’organisation de la rébellion. Une rébellion de la taille du MPCI de 2002 fera pas long feu mais quand on a la taille de AQMI c’est plus compliqué.
Aujourd'hui est-ce possible d'envisager la mise en place d'une vraie armée régionale qui pourrait regrouper par exemple les pays de la CEDEAO?
C’est la solution. La menace est globale et régionale. AQMI comme Boko Hraram en Afrque de l’Ouest menacent tout l’ensemble sous-régional. La réponse doit être envisagée dans ce cadre-là. D’ailleurs la mutualisation des forces a freiné l’avancée de Boko Haram. Je pense que les miliaires et surtout les officiers qui se croisent régulièrement en stage, en école voire en OPEX y sont très favorables. C’est au niveau des politiques et des populations que la sensibilisation doit se faire. Il faut absolument œuvrer dans le sens d’une armée sous-régionale ou tout au moins d’une forte coordination tant en amont à travers les renseignements qu’en aval dans la neutralisation de l’ennemi.
N'est-il pas temps pour les pays africains de bâtir une industrie d'armement afin de prendre leur autonomie au moins sur certains domaines?
Si, il est temps, mais cela nécessite, à mon avis, la mutualisation de nos ressources. La CEDEAO et l’UA doivent accélerer le processus d’intégration militaire pour nous emmenner vers une défense sous-régionale. Alors, on pourrra envisager une telle industrie. L’Afrique du Sud ayant un véritable savoir-faire dans ce domaine pourrait être la locomotive.