"Des hauts gradés français et des personnalités politiques ont commis au Rwanda des crimes très graves", accuse la Commission nationale de lutte contre le génocide (CNLG) dans un rapport transmis mardi à l'AFP et intitulé "La manipulation du dossier de l'avion d'Habyarimana, une occultation des responsabilités françaises dans le génocide".
Le Rwanda accuse depuis des années la France de participation au génocide, qui a fait environ 800.000 morts, essentiellement parmi la minorité tutsi. L'attentat du 6 avril 1994 contre l'avion présidentiel, au cours duquel fut tué le président hutu Juvénal Habyarimana, est considéré comme l'événement déclencheur de ce génocide.
Mais la relation houleuse entre les deux pays a pris un nouveau tournant depuis que la justice française a rouvert une enquête afin d'entendre le témoignage d'un ancien chef d'état-major rwandais, qui accuse l'actuel président Paul Kagame d'avoir été l'instigateur de l'attentat contre Habyarimana.
Selon la CNLG, la récente décision française de relancer l'enquête sur l'attentat contre l'avion de Habyarimana le 6 avril 1994 "vise à camoufler" la responsabilité française dans le génocide. Cette commission a dressé une liste de 22 officiers supérieurs français qu'elle accuse de complicité mais aussi de participation aux massacres. "Des acteurs français ont été impliqués dans le génocide en tant qu'auteurs et complices", affirme la CNLG.
Parmi eux, le général Jacques Lanxade, ancien chef d'état-major de l'armée française, et le général Jean-Claude Lafourcade, qui commandait la force Turquoise déployée le 22 juin 1994 au Rwanda sous mandat de l'ONU.
Au Rwanda, une commission d'enquête a imputé l'attentat contre Habyarimana à des extrémistes hutus voulant se débarrasser d'un président jugé trop modéré.
En France, l'enquête ouverte à Paris après la plainte des familles de l'équipage, composé de Français, avait été close en janvier et une demande de non-lieu soumise par la défense de sept protagonistes mis en examen. Mais les juges français ont décidé de relancer leur enquête pour entendre l'ancien chef d'état-major rwandais Faustin Kayumba Nyamwasa, avait appris l'AFP de sources concordantes début octobre.
Cette décision avait provoqué la colère de Kigali alors que ce dossier avait déjà provoqué entre 2006 et 2009 une rupture des relations diplomatiques avec Paris. Le 10 octobre, P. Kagame a notamment menacé la France d'une nouvelle rupture diplomatique.
Contacté par l'AFP, le ministre rwandais de la justice Johnston Busingye a assuré que le travail de la CNLG "n'est pas une enquête (des autorités) du Rwanda", tout en estimant que cette liste pouvait être "d'un grand intérêt pour les organismes d'enquête et de poursuite nationales, et pour le public français et rwandais".