C’est en Conseil des ministres que le président Macky Sall a donné l’ordre à son Premier ministre de lui "faire un rapport détaillé sur l’application de la loi relative à la baisse du loyer au Sénégal". Si le président Macky Sall a décidé de s'intéresser à cette loi qui fut la première mesure phare qu'il a prise pour l'amélioration du pouvoir d'achat des Sénégalais, c'est parce qu'il a un léger doute sur l'impact réel qu'elle a eu. En tout cas, le constat est assez éloquent.
Avec un loyer tournant autour de 150.000 Fcfa/mois en banlieue de Pikine ou de Guédiewaye pour un appartement de trois chambres, certains dakarois continuent de vivre un vrai calvaire. Dans les quartiers plus huppés de Mermoz, Ngor ou des Almadies, il faut débourser entre 250.00 et 400.000 Fcfa/mois pour un modeste F3, alors que les salaires moyens ne dépassent guère 250.000 Fcfa par mois.
Cette loi n’a jamais été appliquée selon Elimane Sall, le président de l’Association pour la défense des locataires, qui estime que son objectif a été détourné. Et d'ajouter: «L’esprit de la loi c’était d’abréger les difficultés des locataires, mais malheureusement les gens ont mal interprété [la loi], de telle sorte que les bailleurs ont cru qu’elle était contre eux. C’est ce qui a fait que les protagonistes ont eu énormément de difficultés à s’entendre». Aujourd’hui, beaucoup pensent que les tarifs de la location sont encore plus élevés, ce qu’a sans doute remarqué le chef de l’Etat qui demande l’état des lieux, 3 ans après l’entrée en vigueur de la loi.
Mais, pour le président de la principale association de consommateurs sénégalais, les locataires sont les premiers responsables de ce qui leur arrive. En effet, peu d'entre eux ont recouru à la commission d'arbitrage, mise en place pour régler les éventuels litiges. A ce jour, la commission chargée du suivi de la loi sur la baisse du loyer à déjà traité 16.000 plaintes de locataires. 14.000 d'entre eux on eu gain de cause, selon le président de l'Association des consommateurs sénégalais (Ascosen), Momar Ndao. Ce dernier invite les locataires à mieux prendre connaissance de leurs droits. Selon lui, si le prix du loyer reste cher, c'est à cause des clients qui ne font pas usage de leur pouvoir sur le bailleur. Un bailleur qui chasse à tort un locataire risque 6 mois de prison et plus de 2 millions de Fcfa d'amende.
La sous-location se généralise
La cherté de la location a aujourd’hui une autre conséquence: la généralisation de la pratique de sous-location. Il n’est pas rare de voir une personne prendre à elle seule une maison entière et d’en louer une partie à d’autres personnes. Ce phénomène, de plus en plus étendu au Sénégal, est la conséquence directe de la cherté de la location. C’est l’avis de Bacar Thiam, propriétaire d’une maison à la Sicap Baobab, quartier résidentiel de Dakar, qui estime que tant que le client paye ce qu’il doit à la fin du mois, il ne se pose aucun problème. Un avis que ne partage pas Doudou Kane qui, lui, dit qu’il n’acceptera jamais qu’on sous-loue son bien immobilier. «Je l’ai clairement défini dans le contrat, et si quelqu’un s’aventure à le faire, le contrat est automatiquement rompu et le locataire perd tous ses droits». Doudou Kane dit adopter cette attitude parce que la sous-location diminue les responsabilités et détériore le bien immobilier.*
Effet inverse
Suite à une étude qui indexait la cherté du prix du loyer au Sénégal, le président de la république Macky Sall, avait, lors de son adresse à la nation du 31 décembre 2013, ordonné la baisse du prix du loyer. Une loi est adoptée et promulgué dès le mois de février de l'année suivante. Elle prévoyant des baisses du prix des loyers de 4 à 29 % dans le pays. Cependant, elle ne s'appliquait que sur des contrats existants et non sur les nouveaux baux.
Il s'agissait d'une mesure qui avait fait beaucoup de bruit a l’époque, parce que bien accueillie par les locataires, mais rejetée par les bailleurs. Dès lors commence une rude bataille pour son application. Certains locataires, qui exigeaient la baisse des loyers, ont tout simplement été expulsés des appartements et maisons qu'ils occupaient par les propriétaires.