Kinshasa sous les eaux: "Que la colère de Dieu s'abatte sur le gouvernement !"

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Le 08/02/2017 à 08h21, mis à jour le 08/02/2017 à 14h09

Pour les habitants de plusieurs quartiers inondés de Kinshasa, les autorités ne font rien pour leur venir en aide. Pour le moment, ils ne décolèrent pas, même si leur responsabilité est parfois entière. Car, le lit du fleuve Congo est souvent occupé par des constructions en béton.

"Que la colère de Dieu s'abatte sur le gouvernement !" Dans son désarroi, Albert Isemongo hurle contre les autorités congolaises alors qu'il s'affaire à évacuer les détritus qui s'amoncellent devant sa porte, après les crues provoquées par des pluies torrentielles mardi matin à Kinshasa. "Les autorités nous ont abandonnés", peste-t-il en montrant les meubles sortis de sa maison cossue et qui émergent d'une eau boueuse de couleur noirâtre et charriant des monceaux de bouteilles en plastique en suspension.

La rivière Kokolo, qui passe non loin, est brusquement sortie de son lit sous l'effet d'une pluie diluvienne qui a commencé peu avant le lever du jour et qui a duré une bonne partie de la matinée. Des constructions en béton empiètent sur le lit du cours d'eau, qu'elles réduisent sensiblement, accélérant le débit en cas de crue.

M. Isemongo accuse certains propriétaires, des "intouchables" au gouvernement, d'être responsables du drame qui vient de se dérouler. Pour lui, pas de doute, "les inondations sont la conséquence de ces constructions anarchiques". Situé dans le nord de la capitale de la République démocratique du Congo, GB, le quartier de M. Isemongo, est une des zones les plus chics et huppées de Kinshasa, mégapole d'environ dix millions d'habitants largement dépourvue d'infrastructures de voirie et dont l'immense majorité de la population croupit dans la misère.

Mais face à la colère du ciel, les habitants de GB se retrouvent pour une fois sur un pied d'égalité avec ceux des autres quartiers de la cité, moins bien lotis. A Bandalungwa, quartier majoritairement habité par des fonctionnaires ou des petits commerçants, la rivière Makelele a elle aussi quitté son lit. Mais les riverains, habitués à ces crues soudaines, sont parés: des empilements de sacs de sable ou des murets servent de digues devant les habitations.

Pendant que M. Isemongo s'active à nettoyer la rue devant sa maison avec de jeunes habitants armés de pelles et de balais, des riverains pleurent une jeune "mama" vendeuse de pain qui, selon leur témoignage, s'est noyée devant eux.

WC à ciel ouvert

"Elle tentait de traverser la rivière mais le puissant courant l'a emportée (...) Elle ne respirait plus lorsque nous l'avons sortie de l'eau", dit le sergent Pedro Masoya, soldat du camp militaire voisin, trempé jusqu'aux os.

Selon un bilan provisoire des autorités locales, au moins deux autres personnes ont trouvé la mort dans les inondations mardi. Contrairement à Bandalungwa, on n'est pas habitué aux inondations à GB. Personne ne s'était préparé à recevoir autant d'eau en moins de trois heures, déplorent des habitants particulièrement les femmes, pieds nus, seau en plastique en main et s'activant à vider leur maison du trop-plein d'eau.

"Les collecteurs d'eau n'ont pas été prévus dans le plan d'urbanisation" de ce quartier, déclare Agnès Kalonda épouse d'un soldat du camp Kokolo voisin et vendeuse sur un petit marché de GB. En début d'après-midi, alors qu'il bruine encore, "il est quasi impossible de sortir de la maison sans avoir les pieds dans de l'eau boueuse", regrette Camille Kontshi, douanier, montrant ses chaussures salies.

A Lingwala, autre quartier du nord de la capitale, les pensionnaires du centre d'hébergement public pour handicapés physiques de l'avenue Mushie s'affairent du mieux qu'ils peuvent, cernés par des matières fécales en suspension, debout sur leurs béquilles avec de l'eau jusqu'à la hanche.

Ici, on n'a pas de mots assez durs contre les autorités. "Bakufa !" ("Qu'ils aillent mourir") ruminent plusieurs jeunes gens accusant la classe politique de vivre sur le dos de la population à ses dépens.

"Nous avons perdu nos habits emportés par des eaux, des chaussures, des appareils radios et télévisions, nos lits ne sont plus utilisables", se lamente le représentant des handicapés, refusant de donner son nom, pendant que des enfants, insouciants, continuent de jouer avec de l'eau jusqu'à la poitrine.

"L’État ne s'occupe pas de nous, mais ce sont les travaux effectués par les Chinois qui sont à la base de nos malheurs", accuse le porte-parole des occupants, redoutant que "les maisons construites pendant la période coloniale ne s'écroulent" sur eux et leurs enfants pendant leur sommeil lors de la prochaine pluie.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 08/02/2017 à 08h21, mis à jour le 08/02/2017 à 14h09